Le numineux

Le sacré désigne aussi tout ce qui est révélateur d’une transcendance, c’est-à-dire l’ensemble des réalités qui échappent à l’expérience sensible et rationnelle.

Dans son étude sur le sacré (Das Heilige, 1917), Rudolf Otto définit l’expérience de Dieu comme numineuse (du latin numen, « de nature divine »). Il s’agit d’une expérience où se mêlent la crainte et l’irrationnel.

Qui n’est pas fasciné par les manifestations des forces de la nature, même si la science explique ces phénomènes naturels ? Pour les gens de l’Antiquité en général et donc les Hébreux, ces phénomènes traduisaient la présence agissante des dieux, la majesté et la puissance de Yahvé. Il était donc normal d’éprouver de la crainte pour Dieu qui maîtrise les éléments de la nature. Du même coup, l’être humain ne peut que reconnaître sa fragilité et sa petitesse, et se tourner vers Dieu avec des sentiments d’adoration et d’émerveillement.

Le numineux désigne la puissance agissante de Dieu que Rudolf Otto décrit comme mysterium tremendum et fascinans. Le sacré est ce qui à la fois nous effraie et nous fascine face au « tout-autre » ; donc une inquiétude à s’en approcher trop et pourtant un désir, voire un impératif à vouloir le connaître.

Le sacré se manifeste toujours comme une réalité d’un tout autre ordre que les réalités naturelles. Le langage peut exprimer naïvement le tremendum, ou la majestas, ou le mysterium fascinans par des termes empruntés au domaine naturel ou à la vie spirituelle profane de l’homme. Mais cette terminologie analogique est due justement à l’incapacité humaine d’exprimer le ganz andere : le langage est réduit à suggérer tout ce qui dépasse l’expérience naturelle de l’homme par des termes empruntés à celle-ci même (Mircea ELIADE, Le sacré et le profane, Gallimard, 1965, p. 16).

Le numineux se caractérise à travers quelque chose de tout autre qui dépasse les forces de la nature ; il ne ressemble à rien d’humain ou de cosmique. L’homme éprouve un sentiment de petitesse, comme poussière et cendre :

Gn 18,27 : Abraham reprit, et dit : Voici, j’ai osé parler au Seigneur, moi qui ne suis que poudre et cendre.