Consentement et sexualité
Le consentement renvoie-t-il au mouvement naturel du cœur, au désir du corps ou bien est-il un acte de la volonté ? Le consentement constitue une notion incontournable, puisqu’il contribue à marquer la distinction entre des actions qui seront jugées acceptables sur le plan normatif, et d’autres qui ne le seront pas. On peut prendre ici l’exemple d’une relation sexuelle entre deux personnes. Si deux personnes consentent à une relation sexuelle, celle-ci devient moralement acceptable, sinon il s’agit d’un viol.
En Allemagne, le consentement est exigé depuis 2016 ; en Espagne depuis 2022.
En France, une modification a été apporté en 2025.
Article 222-22 du code pénal :
Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur ou, dans les cas prévus par la loi, commis sur un mineur par un majeur.
Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime.
Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature.
Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les conditions prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage.
Voir le texte complet.
Un consentement valide
Pour être valide, le consentement doit être libre, éclairé et il doit provenir d’un sujet compétent, ayant la capacité psychologique et juridique de consentir à ce qui lui est proposé.
Le premier de ces trois critères insiste sur le caractère libre du consentement : pour être valide, le consentement du sujet doit avoir été obtenu en l’absence de coercition ou de contrainte.
Le deuxième critère de validité souligne la nécessité que le sujet connaisse et comprenne bien ce à quoi il consent. Cacher sa séropositivité ou son mariage entraîne un vice de consentement. Il en est de même pour l’âge légal.
Pour que son consentement soit jugé valide, le sujet doit démontrer un certain niveau de compétence psychologique : son autonomie, ses aptitudes cognitives, sa santé mentale, par exemple, pourront être prises en considération afin de vérifier si sa capacité à consentir est réelle. L’âge légal du consentement peut varier selon les activités. La majorité sexuelle est fixée à 15 ans en France, mais à 16 ans au Canada. Le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (l’article 227-22-1 du Code pénal).
La libéralisation des mœurs sexuelles et la distance critique prise par rapport aux éthiques sexuelles plus traditionnelles (souvent d’inspiration religieuse) ont permis d’insister sur le caractère central du consentement valide qui, dans un esprit libéral, peut être vu comme une condition à la fois nécessaire et suffisante de l’acceptabilité morale des pratiques sexuelles. Dans cette optique, des pratiques comme l’homosexualité ou le sadomasochisme ne seront plus considérées comme moralement répréhensibles, dès lors que les participants concernés sont des adultes autonomes, juridiquement et psychologiquement aptes à consentir à ces activités, qu’ils y ont consentis de façon valide, sans y être forcés à aucun moment et qu’ils en saisissent la nature et les implications. Aussi, l’exigence de consentement valide permet de rejeter aisément la pédophilie, le viol, l’agression ou l’esclavage sexuel, et ce, sans devoir faire appel à aucun autre principe moral.
Bard, Guillaume (2016), « Consentement (GP) », dans Maxime Kristanek (dir.), l’Encyclopédie philosophique, consulté le 12/04/2024, https://encyclo-philo.fr/consentement-gp
En résumé, le consentement est le préalable de toute relation sexuelle. Il vaut permission, il donne autorisation. Mais ce « oui » au sexe est-il suffisant ? Trois questions surgissent : le « oui » est-il synonyme de désir ? La violence du plaisir ne fait-elle pas perdre le contrôle de ses actes ? Enfin, tout acte a-t-il du sens ?
Limites du consentement tacite
Qui ne dit mot consent ! Cet adage vaut-il pour la relation sexuelle ? Le consentement se réduit parfois à une sorte d’acquiescement passif et implicite. Même s’il est « libre », « éclairé », « informé », etc., il dit « oui » pour faire plaisir, ou par faiblesse, voire par peur. Or cette forme de résignation raisonnable n’a rigoureusement rien à voir avec un désir positif et affirmé. Il s’agit d’un consentement à des rapports sexuels non désirés. Pour Descartes, la volonté n’est portée à désirer que les choses que lui présente l’entendement, c’est-à-dire la raison.
Le consentement sexuel est un accord explicite et volontaire entre les personnes impliquées dans une pratique sexuelle quelle que soit sa nature. Il peut être révoqué à tout moment et doit être demandé et obtenu avant chaque nouvelle activité sexuelle.
Une sexualité épanouie suppose la rencontre de désirs réciproques et d’un consentement mutuel; si l’un « cède » à contrecœur ou sous insistance, il y a accord formel mais pas véritable consentement, et la relation risque d’être vécue comme instrumentalisante. Sur le plan éthique, une relation juste articule les deux: on écoute le désir (le sien et celui de l’autre), mais on s’engage uniquement là où il y a un consentement clair, libre et réversible ; autrement, la relation bascule vers la contrainte ou l’auto-sacrifice.
Le respect de l'autre
Une action n’est moralement acceptable que dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à la dignité humaine, qu’il s’agisse de celle d’autrui ou de la mienne. Le tout sera alors de donner un contenu tant soit peu précis à cette notion de dignité. Pour ma part, je conçois la dignité humaine comme la faculté propre aux individus appartenant à l’espèce humaine de se concevoir comme un sujet de droits avec lequel l’autre ne peut pas faire ce qu’il a envie de faire et qui, symétrie oblige, ne peut pas non plus faire ce que bon lui semble. La dignité humaine est donc pensée comme une faculté de pouvoir dire « Non » à ses propres envies ainsi qu’aux envies de l’autre, et ce afin de maintenir entre nous une relation de respect constitutive d’une société bonne. L’animal est l’être qui ne peut pas dire « Non » à ses envies et qui peut tout au plus s’opposer par la force aux envies d’autrui. L’être humain peut aussi s’opposer à ces dernières par un « Tu n’as pas le droit ». Norbert Campana, Nature ou dignité : quel critère pour l’éthique sexuelle ? Revue d’éthique et de théologie morale » 2010/HS n° 261. Voir le lien dans la bibliothèque.
Mais la violence du désir qui nous pousse vers l'autre, ne déborde-t-il pas le consentement ? Suite : la violence de l'éros.

