L'introduction ci-dessous est extraite du livre La bonne nouvelle de la sexualité, dont le plan est présenté sur ce lien.
La bonne nouvelle de la sexualité
Dieu vit que cela était très bon. (Gn 1,31).
Le constat
Suite de la première page.
Depuis le concile Vatican II, l’Église a certes ouvert la sexualité à d’autres finalités que la procréation, comme la communion entre les époux. Puis, les papes Jean-Paul II, Benoît XVI ou François ont valorisé le plaisir, mais l’image d’une Église rigide et rétrograde en matière sexuelle demeure ancrée dans les mentalités. Les normes officielles du Catéchisme de l’Église catholique restent d’ailleurs regroupées sous le commandement négatif « Tu ne commettras pas l’adultère ».
Si des points de repère s’avèrent nécessaires, l’enseignement fondé sur la stricte observance de la loi ne favorise pas la réflexion et la maturation personnelles. Le discours rigoriste court le risque d’être rejeté, voire transgressé. Il perd de vue l’origine et la finalité de la sexualité voulue par Dieu, pour que l’homme et la femme puissent se construire dans une vocation à l’amour, avec plaisir.
Alors, comment bénir, dire du bien, de cet élan qui pousse deux êtres à l’étreinte sexuelle ? L’Église d’aujourd’hui est confrontée à de redoutables défis. Comment offrir des points de repère dans l’écoute et l’accueil de toute personne, quelle que soit sa vie sexuelle ? Comment adapter son discours aux progressistes, aux fervents de la tradition et à la « Gen Z », cette génération de zappeurs toujours en quête de nouveauté ? Comment préserver son identité institutionnelle et spirituelle, sans se liquéfier dans un monde de moins en moins religieux ?
Une de ses missions consiste à redire le sens divin de l’union homme femme jusque dans l’intimité du corps à corps, tout en parlant un langage audible pour les contemporains de ce XXIe siècle et sans tomber dans les travers d’une morale culpabilisante.
Redonner du sens
Cette étude cherchera à redire la beauté et la bonté de la sexualité, sans pour autant négliger ses dangers. Loin de tout discours moralisateur, elle s’attachera à donner du sens à des actes qui mettent en jeu l’intimité du couple.
Nous parlerons de sexualité et d’éros. La première dans une perspective éthique avec un vaste champ disciplinaire : les comportements, l’orientation sexuelle, la reproduction, les lois sociales ou religieuses. Le second dans le sens de désir sexuel avec le plaisir qui s’y rattache. Nous écrirons éros avec un petit « e » pour ne pas le confondre avec la divinité du même nom.
L’étude s’articulera autour de quatre parties : une présentation de la morale sexuelle à travers l’histoire ; une enquête sur l’éros en tant que langage du désir et du plaisir ; une formulation de points de repère éthiques ; une lecture sacramentelle de la sexualité.
Dans la première partie, « Éros enchaîné », nous présenterons la morale sexuelle depuis les origines bibliques jusqu’à nos jours. Un premier chapitre ouvrira l’Ancien Testament pour y découvrir des textes qui parlent de la vie sexuelle sans fausse pudeur, ainsi que des lois qui fixent les limites à ne pas franchir sous peine de sanctions qui vont de la purification jusqu’à la mort.
Un second chapitre abordera le Nouveau Testament avec son ouverture au christianisme. Jésus reste discret sur la sexualité elle-même. Il arrache les lois de leur juridicité et met la personne au centre de toute décision à travers le commandement de l’amour. Paul, missionnaire dans le monde païen, se charge d’apporter les premières réflexions sur les relations à entretenir au sein du couple. Ses propos annoncent une forme d’égalité dans la vie sexuelle sans pour autant révolutionner l’ordre social.
Dans un troisième chapitre, nous verrons qu’un virage s’amorce au début du christianisme. Les philosophes grecs prônent l’ascèse face aux mœurs dissolues qui sévissent dans les citées. La Tradition de l’Église s’inspire de ces penseurs et confine la sexualité dans des interdits où la procréation dans le mariage devient le fil conducteur au détriment du plaisir. Il faut attendre la révolution culturelle des années 70 pour voir un renouveau de la pensée ecclésiale sur la sexualité.
Dans la seconde partie, « Éros libéré », nous constaterons qu’éros ne se laisse pas enfermer dans une cage aussi dorée soit-elle. Qu’est-ce que l’éros sinon un désir jamais satisfait qui irrigue tout le corps jusqu’à en perdre la raison ? Un quatrième chapitre déshabillera le corps pour découvrir les multiples facettes qui s’offrent dans la relation intime. Qu’est-il donc ce corps offert et reçu ? Un visage ? Un sexe ? Un mystère que l’union sexuelle n’épuise pas ?
Un cinquième chapitre abordera la question de l’origine et du sens de l’éros. Pourquoi ce désir si puissant, parfois incontrôlable qui pousse deux êtres à ne former qu’une seule chair ? Quelles significations donner au baiser, à la caresse et à l’union sexuelle ?
Ces actes conduisent au plaisir, thème du sixième chapitre. Que serait la sexualité sans le plaisir ? Un frottement désagréable de deux épidermes ? Nul doute que le plaisir est un des moteurs de l’existence. Ne sommes-nous pas destinés à vivre dans un jardin des plaisirs que le Cantique des cantiques dépeint à merveille ? La jouissance transporte d’ailleurs les partenaires dans un petit coin de paradis. Mais le plaisir ne dure que le temps de l’étreinte. Son paroxysme est à la mesure de son évanescence.
Dans la troisième partie, « Éros éclairé », nous proposerons des points de repère éthiques sous la forme de phares pour guider et éclairer les consciences. Quels repères offrir à l’éros sans lui faire perdre son souffle ? Comment l’orienter sans l’endiguer ? Un septième chapitre proposera une loi pour l’éros. Nous interrogerons tout d’abord les sites internet pour y découvrir des conseils en tout genre et une pornographie désormais à portée de main. Chacun se forge sa propre norme selon ses désirs. Ne faut-il pas chercher dans la loi naturelle les soubassements d’une éthique universelle ? Le respect de l’autre et le consentement ne forment-ils pas le socle d’une relation moralement acceptable ? Mais le « oui » suffit-il pour rendre un acte beau et bon ? Si sa nécessité ne souffre d’aucune contestation, d’autres critères sont à formuler pour préserver la dignité humaine et donner du sens, car éros contient une part de pulsion et de violence qui conduit parfois à l’aliénation. Enfin, quel regard porter sur les relations hors mariage, l’homosexualité ou le transsexualisme que l’Église condamne dans ses textes officiels ?
Un huitième chapitre présentera les « péchés sexuels », non pas dans le détail de pratiques inavouables à reconnaître devant son confesseur, mais dans la lignée des sept péchés capitaux que nous appliquerons à la sexualité. L’orgueil, l’avarice, la luxure, la gourmandise, l’envie, la paresse et la colère s’expriment dans tous les champs de la vie humaine, y compris dans l’intimité du corps à corps.
Dans un neuvième chapitre, nous opposerons à ces péchés capitaux trois vertus sexuelles : la chasteté, la pudeur et l’agapè. La première se propose comme un repère dans le temps : pas tout, tout de suite. La seconde se dresse comme un phare dans l’espace : habiller éros d’un voile de séduction plutôt que de le réduire à une obscène exhibition. La troisième fixe le sens ultime de l’éros. Lorsqu’éros s’imprègne d’agapè, amour désintéressé et oblatif, il ne peut en sortir que du beau, du bon et du bien.
Enfin, dans la quatrième partie, « Éros gracié », nous présenterons le sens que le sacrement de mariage apporte à l’éros. Pourquoi se marier ? Éros ne se suffit-il pas à lui-même ? Un dixième chapitre décrira les saisons de l’éros : la fusion, la désillusion et l’engagement. Chaque couple traverse peu ou prou ces trois temps du désir. Le premier fait monter les amants au septième ciel ; le second les ramène à la dure réalité ; le troisième se déploie dans une complicité à construire au quotidien. Le choix de l’engagement solennel et sacré s’offre au couple comme un événement unique dans son histoire, comme un lieu de grâce où les partenaires associent Dieu à leur union.
Un onzième chapitre analysera l’échange des consentements exprimé lors de la célébration sacramentelle. Le mariage se conclut par cet acte de langage. Les termes de cet échange fixent l’orientation générale de l’éros : « oui, je veux me donner à toi pour la vie dans la fidélité, dans le bonheur et dans les épreuves ». Cet échange se présente comme l’« inter-dit » fondateur du couple.
Dans un douzième chapitre, nous verrons que le sacrement de mariage donne un sens divin à l’éros. Si l’échange des consentements fait le mariage, l’union des corps le rend indissoluble. L’Église fait de la consommation charnelle le sceau de l’engagement conjugal. Le « oui » devient chair dans l’intimité de l’homme et de la femme. Le corps à corps prend alors la forme d’un rituel nuptial qui ouvre aux mystères divins : la création originelle, l’alliance de Dieu avec l’humanité, la mort-résurrection de Jésus et la Trinité. En somme, l’union homme femme préfigure l’au-delà où éros sera transfiguré dans l’agapè de Dieu.
Conclusion
Tout discours sur la sexualité s’aventure dans l’intimité avec le risque de toucher, de réjouir ou de blesser. L’étude abordera les thématiques sans fausse pudeur pour redire la bonté de l’éros ainsi que ses écueils. Il ne s’agit pas d’un livre de recettes pour bien faire l’amour, simplement d’une quête de sens.