Citations sur la sexualité
Les dangers du désir
Une relation amoureuse n’est jamais gagnée, elle n’est jamais sûre et sécurisée comme un pavillon de banlieue. Elle doit inclure l’idée que désirer un autre est toujours possible, et que l’apparition d’un tel sentiment ne se maîtrise pas toujours. Il peut même persister longtemps, sans qu’aucun adultère ne soit commis, rendant ainsi la relation douloureuse, voire invivable.
Une relation amoureuse se gagne ainsi face au reste du monde, à l’humanité environnante qui continue à solliciter l’un ou l’autre, à être aimable ou désirable. Cette mise en danger nous aide aussi à découvrir quelque chose de nous-même, de l’inépuisable réserve de l’élan amoureux, de la puissance de l’attrait physique.
Jacques Arènes, psychanalyste et psychothérapeute, Les dangers du désir, La Croix le 10/11/2020
Les ex
Une relation amoureuse détient toujours un avant, cette période antérieure de notre vie et de celle du conjoint avant qu’il ne nous connaisse. L’avant, c’est aussi les ex, ces fantômes qui vont se glisser jusque dans la chambre à coucher.
Quand on est en couple depuis un certain temps, il est compréhensible que l’on se (re) souvienne d’avant, des commencements de la vie amoureuse et que l’on remue même les regrets que l’on y a laissés. On s’abandonne alors au rêve de ce qui aurait pu être et n’a pas été, ou de ce qui n’a pas abouti.
Le passé des regrets est confortable à caresser, quand le quotidien s’avère plus banal mais il est source d’illusions. Les fantômes sont commodes à convoquer quand la réalité du couple est plus grise. Celui ou celle d’avant m’aurait sans doute vraiment compris… parce que l’ex détient la qualité remarquable d’être celui ou celle avec qui l’on ne vieillit pas.
Jacques Arènes, psychanalyste et psychothérapeute, La Croix le 08/10/2019, Les fantômes de la chambre à coucher.
Le consentement tacite
Chez un certain nombre de couples, souvent du côté de la femme mais parfois aussi chez l’homme, constate le chercheur, « l’habitude est prise de ne pas exprimer son non-consentement, de le refouler, de l’enfouir dans le silence ». Ce qui peut engendrer de façon progressive, incompréhension, insatisfaction, malaise, voire différents degrés de souffrance, de la pénibilité au harcèlement et à l’agression, si une certaine ligne rouge est franchie.
Mais, en dehors de ces cas extrêmes, heureusement minoritaires, il existe bien d’autres situations où domine un certain flou. Ce n’est pas vraiment « oui », mais pas vraiment « non ». Une zone grise où l’on évite d’avoir à se prononcer de façon explicite pour différentes raisons pas toujours conscientes : le poids des habitudes, la crainte du conflit, la peur de briser son couple, le sentiment de culpabilité, l’injonction du « devoir conjugal », présente dans les esprits.
Il appartient à chaque couple de trouver des accommodements, de parler davantage pour réduire les non-dits, les frustrations, de faire preuve d’humour et d’imagination. Inventer des rituels, des expériences de bien-être et de plaisir partagé.
France Lebreton, Le consentement sexuel, notion taboue dans le couple, La Croix, le 13/10/2020.
Aimer
Aimer, c'est faire en secret ce serment, je m'engage de toutes mes forces à défendre ta liberté, à ménager autour de toi l'espace qui te sera nécessaire pour croître et fleurir ! Et même si je dois être surpris par l'évolution de l'autre, même s'il ne devient pas celui que j'attendais qu'il soit un jour, je m'engage à respecter son devenir ! C'est le défi que je relève. Que ta volonté soit faite et non la mienne ! Osons nous laisser surprendre !
N'emprisonnons pas nos proches ni nos enfants dans la représentation que nous avons d'eux. Cassons les moules dans lesquels nous nous enfermons les uns les autres.
Offrons-nous la confiance même de nous laisser errer, commettre des erreurs. Que savons-nous du secret de nos destinées ? En devenant garant de la liberté de celui que j'aime, je lui épargne même de devoir fuir ! Rester ensemble n'est pas, comme au cimetière, une "concession perpétuelle" - c'est une offrande à renouveler chaque jour.
Christiane Singer
Le regard de convoitise
Il nous faut évoquer l'idée encore trop répandue, selon laquelle le péché originel, le fruit défendu qu'Adam et Ève ont mangé, entraînant ainsi le malheur de l'humanité, serait l'acte sexuel et la volupté qui l'accompagne. Il est pourtant clair, d'après le texte biblique, que la tentation à laquelle nos premiers parents ont cédé est celle d'être comme des dieux, d'avoir le droit de décider par eux-mêmes ce qui est bien ou mal, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et si, à la suite de leur première désobéissance, l'homme et la femme prennent conscience qu'ils sont nus, ce n'est pas parce que cela est honteux, mais parce que la volonté d'être comme des dieux entraîne nécessairement celle de voir l'autre comme un objet de convoitise, que l'on cherche à posséder, et non comme un vis-à-vis devant qui on se reconnaît responsable. Le mal, pour la Bible, n'est pas dans le sexe, mais dans le regard de convoitise, la volonté de posséder l'autre, de disposer de lui. La sexualité peut certes être une occasion de convoitise, mais il y en a bien d'autres. Aucune réalité humaine n'est à l'abri de ce piège.
Robert Somerville, L'Amour, la sexualité, le mariage selon la Bible, Cahiers de l'École pastorale, 98, 2008.
Faire l'amour dans le Jardin d'Éden
L’exultation extrême de la chair lors du face-à-face avec un être aimé désigne bien souvent dans la Bible la rencontre avec Dieu. Si le terme jouissance est limité dans le vocabulaire d’aujourd’hui au domaine sexuel, il est usité dans la tradition de l’Église comme une notion théologique. La jouissance désigne la fréquentation intense, délectable, de Dieu, la jubilation de le connaître et d’être connu par Lui, dont la chair demeure durablement déployée et heureuse. Une question a souvent été débattue dans l’Antiquité : l’homme et la femme au paradis faisaient-ils l’amour ? Pour certains, l’activité sexuelle, mélangée qu’elle est de concupiscence, ne peut être qu’une conséquence du péché. Pour d’autres, au contraire, les deux premiers habitants du jardin, qui étaient nus sans éprouver de honte (Genèse 2, 25), vivaient une sexualité à la hauteur de leur relation à Dieu : toute de don et d’accueil émerveillé. Le mot « Éden », qui est le nom donné au jardin originel, se retrouve en une forme très proche, édéna, en Genèse 18, 12. Trois messagers du Seigneur ont annoncé à Sara qu’elle enfanterait un fils dans sa vieillesse ; elle rétorque alors : « Maintenant que je suis usée, aurai-je du plaisir (édéna), alors que mon seigneur (c’est-à-dire Abraham) est vieux ! » L’usage de ce terme suggère rétrospectivement que le nom Éden est connoté sexuellement. Ainsi, parmi les délices du paradis figuraient les plaisirs de la rencontre charnelle.
Philippe Lefèbvre, Quand le Divin exulte dans la chair, La vie, 3437, 14/07/2011.
Tout le corps est sexué
La vie sexuelle et l'érotisme en particulier sont à l'image de toute la vie : pauvre ou riche, débridée ou structurée, planifiée ou spontanée, retenue ou passionnée. La vie sexuelle n'est pas une expérience isolée de l'existence. Elle ne peut être dissociée de la vie. Bien au contraire, elle rejaillit sur l'humeur et le comportement quotidiens. Une relation bâclée laisse des sentiments de regrets et d'amertume. Le quotidien rejaillit pareillement sur la vie sexuelle. La fatigue, le stress, les soucis et l'activisme rendent le corps moins disponible au don et à l'accueil. L'érotisme ne se décrète pas. Il s'invente au risque du corps. Si le plaisir est une création, le corps n'est pas toujours disponible pour cet avènement. D'une façon générale, la sexualité n'est pas un cycle autonome par rapport aux autres fonctions organiques et psychologiques. La connaissance de soi-même passe par une connaissance de sa sexualité. La vie sexuelle ne se limite pas à des fonctions physiologiques. Elle touche également à la psychologie. Les causes de frigidité ou d'impuissance relèvent davantage de la psychologie que de la physiologie. Les symptômes révèlent l'intériorité de l'être, ses tensions, ses contradictions et ses souffrances.
Noël Higel, thèse de doctorat.
La pudeur au service de l'éros
Les naturistes revendiquent une désexualisation de la nudité, quand au contraire les religions, en le voilant, reconnaissent l’omniprésence de l’éros. «Apprendre à un petit bébé à s’habiller, c’est l’inscrire dans une société de l’éros où l’autre est désirable car peu accessible», poursuit Delphine Horvilleur. Le vêtement c’est une culture de la rencontre érotique au sens large. La pudeur est un manque à voir et cette culture du manque est à l’origine du désir. Il faut revendiquer la pudeur au nom de l’éros. La pudeur sert à raconter l’autre, pas l’inverse. Cet autre qui même dans l'acte sexuel nous échappe car la fusion est impossible. Ne serait-ce pas d’ailleurs cela la faute originelle? La consommation du fruit n’est-elle pas finalement que l'illusion que l’on peut ne faire qu’un avec l’autre? Cette faute devient ensuite une chance énorme car elle permet le dialogue, puisque la fusion n’est plus. La porosité n’est pas totale, et c’est pour cela qu’il y a échange. S’il y a fusion, je ne parle finalement qu’avec moi-même, et il y a monologue. Le nudiste, qui montre tout et ne laisse rien qu’on ne voit pas, ne court-il pas aussi après l’utopie d’une société sans éros ? Hubert Prolongeau, Nudité ou dévoilement. Voir le lien dans la bibliothèque.
Le puritanisme libertaire
Tout est permis, sauf l’essentiel, pourvu qu’il y ait consentement. Mais comment être clair avec l’emballement du désir ? Pour qu’il n’y ait pas contentieux, il faut que l’étreinte fasse l’objet d’un devis ou d’un programme (ce que permet déjà l’application Legal Fling). C’est ainsi qu’apparaît une « pornographie sécuritaire », emblématique d’une génération qui est passée de la libération sexuelle au #MeToo. D’ailleurs il ne faut pas oublier que le X n’a rien de charnel, c’est du visuel, de la copulation in vitro. Il faut penser ce puritanisme libertaire qui invente une nouvelle luxure, la luxure libérale, où le désir est étouffé dans la transaction d’un contrat ou épuisé devant la performance d’un écran. Fabrice Hadjadj, Journal La Croix, 12/04/2019.
L'amour est charnel
Quand deux êtres s'aiment de cet amour et sentent couler en eux l'énergie vitale, ils pressentent toujours quelque chose de Dieu comme la plénitude de cette même expérience. Aimer Dieu vivifie tout l'homme, corps-âme-esprit. Le mystique est quelqu'un qui porte la vie à son maximum d'intensité. Vivre et aimer, c'est une et même réalité. L'amour sans éros n'est qu'un sentiment illusoire dont le centre est l'ego. Il rapporte tout à soi, même Dieu. L'éros, au contraire, est la puissance inhérente qui donne à l'amour la passion de s'unir, de devenir un avec Dieu et de se décentrer totalement en lui. Tout le ressenti amoureux, qui s'expérimente dans une relation érotique entre homme et femme, se retrouve aussi dans la relation des mystiques avec Dieu ; quand deux époux vivent un chemin spirituel, leur érotisme est un haut-lieu de grâces et d'expression mystique. L'homme est un être sexué, il va à Dieu avec tout son être et ne peut l'aimer pleinement qu'avec la force et la tendresse de son éros. Ou, pour mieux le dire avec Jean Bastaire : La puissance du sexe est en réalité la force de l'esprit incarné, l'énergie créatrice concentrée en son lieu d'élection le plus immédiat : celui de la transmission de la vie... là où Dieu dépose la charge maximum de déflagration ontologique..., les réserves profondes de l'être. Alphonse Goettmann. Voir le lien dans la bibliothèque.