Apocalypse - Chapitre 11 - Les deux témoins
| Versets | Commentaire |
| 1 Alors on me donna un roseau semblable à une règle d'arpenteur, et l'on me dit : Lève-toi et mesure le temple de Dieu et l'autel et ceux qui y adorent. |
Jean reçoit un roseau pour mesurer le temple : geste symbolique de protection divine. La mesure sert à distinguer le domaine sacré — appartenant à Dieu — de l’espace profané laissé aux nations. On retrouve ce motif dans Ézéchiel 40–43 : mesurer le temple affirme la souveraineté de Dieu sur son peuple en temps de crise. Que signifie la scène de la mensuration du Temple (v. 1-2)? En première lecture, on remarque la différence entre le Temple et le parvis extérieur. Jean doit mesurer le Temple, mais laisser de côté le parvis. Pourquoi ? Le parvis extérieur est livré aux païns qui doivent “fouler aux pieds la cité sainte pendant quarante-deux mois “. Détail curieux! Nous retrouverons cette durée de quarante-deux mois sous la forme de mille deux cent soixante jours, ou de trois ans et demi, ce qui est la même chose. Il s’agit de la durée de la persécution sous Antiochus Épiphane dont il est question dans le livre de Daniel sous la mention “un temps, des temps et un demi-temps“ (7,25; 12,7) et qui dura de juin 168 à décembre 165. La durée de quarante-deux mois désigne donc un temps de persécution. La “Cité sainte “ est au pouvoir des païens ; les adorateurs de Dieu sont persécutés et se regroupent dans le Temple. L’ordre de mesurer le Temple semble bien faire référence à la vision du mesureur chez le prophète Zacharie (2,5-9): un ange mesure Jérusalem en vue de sa restauration, et Dieu proclame : “Quant à moi, je serai pour elle, oracle de Yahvé, une muraille de feu tout autour, et je serai sa Gloire.“ La mensuration signifie à la fois un projet de restauration et la protection de Dieu. D.A. |
| 2 Mais le parvis extérieur du temple, laisse-le de côté et ne le mesure pas, car il a été livré aux nations qui fouleront aux pieds la cité sainte pendant quarante-deux mois. |
Le parvis est livré aux nations pour « quarante-deux mois » : période symbolique représentant l’oppression eschatologique (3 ans et demi), déjà présente dans Daniel (7,25 ; 12,7). L’Église visible semble vulnérable, mais son cœur cultuel demeure protégé : Dieu garde la foi, même si l’institution souffre. Si le parvis extérieur du Temple est laissé aux persécuteurs païens, le Temple lui-même est protégé par Dieu. Il est désigné plus précisément comme “le Temple de Dieu, et l’autel, et ceux qui y adorent“. S’agit-il du Temple de Jérusalem et du peuple juif ? Ou ne s’agit-il pas plutôt d’une nouvelle désignation de l’Église et des chrétiens, selon les catégories juives de temple et d’adorateurs ? Jésus n’a-t-il pas affirmé qu’il ne s’agissait plus d’adorer dans un temple, mais dans l’Esprit et la Vérité (Jn 4,23) ? Rappelons-nous le chapitre 7 où le Peuple de Dieu, les chrétiens, étaient désignés selon les catégories juives de l’Israël au désert (douze tribus). Les chrétiens sont le nouvel Israël ; ils sont aussi les nouveaux adorateurs dans le nouveau Temple qu’est le Christ ressuscité. Le signe de la mensuration signifie que Dieu protège son Église et veut la restaurer, en dépit des persécutions. D.A. |
| 3 Et je donnerai à mes deux témoins de prophétiser, vêtus de sacs, mille deux cent soixante jours. |
Pourquoi deux témoins ? La loi juive prévoit qu’il faut deux témoins au minimum pour établir la vérité ; on en trouve de nombreuses traces dans la Bible (Nb 35,30; Dt 19,15; Jn 8,17). Mais le chiffre de deux témoins manifeste aussi l’Église comme communauté. Les deux témoins sont unis pour porter leur témoignage, et pour révéler par leur unité que quelqu’un les unit. D.A. Les deux témoins reçoivent mission prophétique. Leur vêtement de sac exprime pénitence et dénonciation du mal. Leur témoignage dure 1 260 jours (équivalent des 42 mois) : temps fixé par Dieu, donc limité, de confrontation à l’iniquité. |
| 4 Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur de la terre. |
Les témoins sont « deux oliviers » et « deux chandeliers » : citation explicite de Zacharie 4. Ils représentent l’onction royale et sacerdotale, figures complètes de la mission messianique. L’Église, par son témoignage, participe à la royauté et au sacerdoce du Christ. Le verset 4 nous donne une double identification, “les deux oliviers et les deux chandeliers“ ; l’image est tirée de la vision de Zacharie (4,3-14) qui fait allusion à un couple important de la restauration après l’exil : Josué le prêtre, et Zorobabel le chef. Ce sont les deux oints. L’oint sacerdotal et l’oint politique encadrent un unique chandelier à sept flammes dont ils renouvellent constamment l’huile ; ce chandelier est le symbole de la présence, au milieu du peuple, du “Seigneur de toute la terre“. “Un feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis.“ L’image est à prendre dans le même sens que l’épée à deux tranchants qui sort de la bouche du Fils de l’homme (Ap 1,16 et 2,16): “Je les combattrai avec le glaive de ma bouche.“ La Parole dite par l’Église, comme la Parole du Christ, est une Parole qui nous juge, et par rapport à laquelle chacun est jugé dans son option de l’accueillir ou de la repousser. D.A. |
| 5 Si quelqu'un veut leur nuire, un feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis. Oui, si quelqu'un voulait leur nuire, ainsi lui faudrait-il mourir. | Le feu sort de leur bouche : jugement prophétique — comme Jérémie 5,14. Leur ministère comporte puissance et jugement : le témoignage n’est pas neutre, il révèle et brûle le mal. |
| 6 Ils ont pouvoir de fermer le ciel, et nulle pluie n'arrose les jours de leur prophétie. Ils ont pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de maints fléaux, autant qu'ils le voudront. | Les témoins manifestent les pouvoirs de Moïse (plaies sur l’eau) et d’Élie (interdire la pluie) : ils concentrent l’autorité de la Loi et des prophètes. Leur message n’est pas nouveau : il accomplit l’attente biblique. |
| 7 Mais quand ils auront fini de rendre témoignage, la bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre, les vaincra et les fera périr. | La Bête monte de l’Abîme : première apparition de cette puissance satanique qui dominera les chapitres suivants. Elle vainc et tue les témoins : le mal semble triompher quand il réduit au silence la parole. |
| 8 Leurs corps resteront sur la place de la grande cité qu'on nomme prophétiquement Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié. |
Leurs cadavres dans « la grande ville » spirituellement appelée Sodome et Égypte — symboles du refus de Dieu. L’ajout « là même où leur Seigneur a été crucifié » identifie la ville comme Jérusalem, mais dans sa dimension apostate, figure de toutes les cités ennemies du témoignage. Comment interpréter le verset 8? “Là même où leur Seigneur a été crucifié“, c’est bien Jérusalem! Et pourtant, elle est appelée la “grande cité“, terme réservé dans l’Apocalypse à Babylone-Rome… Parce qu’elle a mis à mort les prophètes et le Messie, Jérusalem est citée comme le haut lieu de l’infidélité. De plus, elle est identifiée à Sodome (ville licencieuse) et à l’Égypte (nation idolâtrique). D.A. |
| 9 Des peuples, des tribus, des langues et des nations, on viendra pour regarder leurs corps pendant trois jours et demi, et sans leur accorder de sépulture. 10 Les habitants de la terre se réjouiront à leur sujet, ils seront dans la joie, ils échangeront des présents, car ces deux prophètes leur avaient causé bien des tourments. | Le monde se réjouit de la disparition des prophètes : réjouissance blasphématoire qui rappelle les dérisions sur le Christ en croix. La fête macabre montre combien la vérité dérange. Le rejet du témoignage est universel. |
| 11 Mais après ces trois jours et demi, un souffle de vie, venu de Dieu, entra en eux et ils se dressèrent. Alors une grande frayeur tomba sur ceux qui les regardaient. | Après trois jours et demi (période brève, mais symboliquement complète), les témoins revivent : résurrection opérée par l’Esprit. Dieu confirme que le témoignage ne peut être aboli. |
| 12 Ils entendirent une voix forte qui, du ciel, leur disait : Montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée, sous les yeux de leurs ennemis. | L’ascension au ciel sous le regard des ennemis rappelle celle du Christ. La victoire appartient à ceux qui ont persévéré dans la foi plutôt qu’à ceux qui les ont persécutés. |
| 13 À l'heure même, il se fit un violent tremblement de terre, le dixième de la cité s'écroula et sept mille personnes périrent dans cette catastrophe. Les survivants, saisis d'effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel. | Tremblement de terre : signe de jugement. Une partie de la ville périt mais « le reste » rend gloire à Dieu — rare conversion collective dans l’Apocalypse. Même au cœur du châtiment, la miséricorde se manifeste. |
| 14 Le deuxième « malheur » est passé. Voici, le troisième « malheur » vient bientôt. | Le second « malheur » est terminé ; le troisième arrive vite : tension dramatique avant la grande bascule eschatologique. |
Apocalypse - Chapitre 11 - La septième trompette
| Versets | Commentaire | 15 Le septième ange fit sonner sa trompette : il y eut dans le ciel de grandes voix qui disaient : Le royaume du monde est maintenant à notre Seigneur et à son Christ ; il régnera pour les siècles des siècles. | La septième trompette retentit : proclamation théologique majeure du livre. Le règne de Dieu et de son Christ s’impose sur toutes les puissances du monde. Accomplissement des attentes messianiques (Ps 2, Dn 7). |
| 16 Les vingt-quatre anciens qui, devant Dieu, siègent sur leurs trônes tombèrent face contre terre et adorèrent Dieu 17 en disant : Nous te rendons grâce, Seigneur, Dieu souverain, qui es et qui étais, car tu as exercé ta grande puissance et tu as établi ton Règne. | Les vingt-quatre Anciens adorent : reconnaissance d’une royauté éternelle. On célèbre ce qui est déjà acquis dans le plan divin, même si son accomplissement reste à venir dans l’histoire. |
| 18 Les nations se sont mises en colère, mais c'est ta colère qui est venue. C'est le temps du jugement pour les morts, le temps de la récompense pour tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, petits et grands, le temps de la destruction pour ceux qui détruisent la terre. | Résumé eschatologique : colère contre les rebelles, jugement des morts, récompense des saints. Les « petits et grands » sont inclus → universalité du salut comme du jugement. |
| 19 Et le temple de Dieu dans le ciel s'ouvrit, et l'arche de l'alliance apparut dans son temple. Alors il y eut des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre et une forte grêle. | Le temple céleste s’ouvre : visibilité du mystère divin. L’arche est révélée → signe de fidélité de Dieu à son alliance. Les phénomènes cosmiques marquent sa présence souveraine. Le Temple de Dieu dans le ciel s’ouvre, afin de découvrir l’arche d’alliance contenant les tables de la Loi. Ce coffret, dans l’Ancien Testament, était comme la prolongation de la rencontre du Sinaï. Par l’arche, le Dieu de l’alliance manifestait qu’il était présent au milieu de son peuple pour le guider (la nuée) et pour lui parler (Moïse et Yahvé s’entretiennent).D.A. Ce verset prépare directement le grand signe du chapitre 12. |
Synthèse théologique du chapitre 11
Apocalypse 11 constitue le sommet théologique de la section des trompettes. Plusieurs lignes majeures convergent :
✔ Théologie du témoignage
Les deux témoins symbolisent l’Église fidèle, prophétique et persécutée. Leur mission est une participation à celle du Christ : parole puissante, persévérance, mort apparente et résurrection finale.
➡️ Le témoignage est la force la plus redoutée par le mal.
✔ Théologie du temps eschatologique
42 mois / 1 260 jours = temps limité du pouvoir du mal.
➡️ La persécution ne peut dépasser ce que Dieu permet.
✔ Théologie de la victoire paradoxale
Le mal semble triompher, mais la résurrection et l’ascension confirment :
➡️ La véritable victoire est celle de la fidélité.
✔ Théologie du Royaume
La 7e trompette proclame la souveraineté attendue :
➡️ Le Christ règne déjà, même si le monde résiste encore.
✔ Théologie de la manifestation divine
Ouverture du temple céleste :
➡️ Dieu se révèle dans sa sainteté et son alliance
➡️ Préparation à la grande vision de la Femme et du Dragon (chap. 12)
Conclusion
Apocalypse 11 fait basculer le livre du jugement sur les nations vers la mise en scène du combat cosmique ultime.
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L’Église y apparaît :
- faible dans son apparence
- invincible dans sa vocation
- toujours portée par la puissance du Christ
La victoire finale ne se mesure jamais au succès immédiat, mais à la fidélité du témoignage rendu.

