Apocalypse - L'Agneau de Dieu
En Apo 5,6, l’Agneau apparaît debout, non couché, signe de résurrection et d’efficacité. L’expression « comme immolé » rappelle la crucifixion ; la présence au centre du trône indique participation et médiation dans l’administration divine de l’histoire. Il possède sept cornes (pouvoir parfait) et sept yeux (omniscience de l’Esprit envoyé sur la terre).
Le petit de la brebis est un animal qui a toujours été associé à la douceur et à l’innocence. C’est le symbole universel de la non-violence, de la fragilité et de l’impuissance (Es 53,7; Jr 11,19).
Dans l’Ancien Testament, l’agneau est un des animaux sacrifiés pour le Seigneur. En particulier, le sacrifice de l’agneau est au centre de la fête de la Pâque juive (Ex 12). Chaque famille doit choisir un agneau mâle, sans défaut âgé d’un an. Ils doivent l’égorger le 14 du mois de Nissan au crépuscule et le rôtir pour en manger en se rappelant de la sortie d’Égypte. On prenait son sang pour en étendre sur les montants et linteaux des portes des maisons en se rappelant le même geste posé pour éviter le dernier des fléaux en Égypte.
À plusieurs reprises, dans la Bible, le peuple de Dieu est représenté symboliquement comme troupeau. « Tel un berger, (le Seigneur) fait paître son troupeau … il porte les agnelets sur son sein. » (Is 40,11)
Le Nouveau Testament associe Jésus au symbole de l’agneau. Jean Baptiste déclare : voici « l’Agneau de Dieu » (Jn 1,36) une expression encore employée aujourd’hui lors de célébrations liturgiques. Le lien se fait entre le sacrifice de l’agneau pascal et celui de Jésus. L’évangile de Jean spécifie même qu’il est mort au même moment que les agneaux sacrifiés pour la Pâque.
Le livre de l’Apocalypse est celui qui exploite le plus l'image de l’agneau. Il choisit de le faire avec le mot grec arnion qu’on peut traduire par agnelet. Ce symbole est très fréquent pour évoquer la mort/résurrection de Jésus Christ. Il réfère probablement à l’agneau pascal et la prophétie du serviteur souffrant d’Isaïe que les chrétiens appliquent à Jésus : « Brutalisé, il s’humilie; il n’ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l’abattoir. » (Is 53,7)
Dans le livre de l’Apocalypse, on retrouve même un hymne pour fêter les noces de l’agneau (Ap 19) symbole de la victoire du Christ. En effet, l’apocalypse inverse la symbolique de l’agneau qui devient l’agneau vainqueur à la force guerrière des sept cornes (Ap 5,6). L’agneau revêt alors des attributs du trône, de la puissance et de la royauté. Ce symbole de douceur devient soudainement le symbole d’un pouvoir subversif très différent des rois de la terre. L’agneau sacrifié devient l’agneau glorieux, vainqueur de la mort et du mal.
Jean a entendu qu’il s’agit d’un lion victorieux et il voit un agneau, la victime par excellence… Le Christ est à la fois le vainqueur et la victime sacrifiée, le lion et l’agneau. Cet Agneau se dresse, il est debout ; c’est la victoire de la résurrection qui est illustrée par cette précision. Mais il semble immolé ou égorgé : en effet, le Christ est vainqueur de la mort par son sacrifice. L’Agneau égorgé est sur ses pieds, mort et ressuscité. Ainsi en est-il dans la liturgie de la messe, et ainsi dans l’éternité. L’Agneau a sept cornes et sept yeux ; Jésus possède l’Esprit Saint (yeux = connaissance de Dieu), et il est source de l’Esprit de Pentecôte ; les sept cornes signifient la toute-puissance. Et quelle est donc la plénitude de la toute-puissance divine du Christ ? C’est de s’offrir en sacrifice de louange, et par sa résurrection d’envoyer l’Esprit Saint sur “toute chair“, réconciliant ainsi l’univers entier avec Dieu… Quelle puissante synthèse du mystère pascal ! C’est vraiment le centre, le coeur du mystère de l’Amour de Dieu: l’Agneau se dresse “au milieu du trône et des quatre Vivants, au milieu des Anciens“ (v.6). D.A.
L’expression « Agneau de Dieu » apparaît de manière inédite en Jn 1, 29. 36. C’est une désignation unique (amnos en grec) dans l’ensemble de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments. On peut y voir une évocation de la mort expiatoire de Jésus qui amalgame deux images traditionnelles : d’une part, celle du Serviteur souff rant (Is 52, 13-53, 12) qui s’off re, comme un agneau innocent, pour se charger des péchés de l’humanité ; d’autre part, celle de l’agneau pascal, symbole de la libération d’Israël (Ex 12, 1-28). Selon l’évangéliste Jean, Jésus est mort à l’heure où tout Israël partageait l’agneau de la fête pascale. On peut aussi considérer que, dans le contexte encore serein de Jn 1, l’expression traduit un titre messianique : la fougue insolente de l’agneau, jeune animal à l’instar du lion et du taureau, s’applique à l’ardeur du Messie royal attendu, bientôt couronné de gloire. Dans l’Apocalypse, l’Agneau royal revient en force (trente occurrences du mot grec arnion) alors que le terme est rare dans le Nouveau Testament. Le terme arnion dans l’Apocalypse désigne le Christ dans sa royauté, paradoxalement indissociable de la Croix, mort et résurrection. L’Agneau royal est immolé et exalté. Il est une fi gure céleste qui sera révélée seulement à l’ouverture du ciel (4, 1). IL est comblé de dons (5, 6), mais cette plénitude semble immédiatement contredite : l’Agneau qui « a remporté la victoire » se présente « debout, comme égorgé ». Il s’agit d’une référence très claire au mystère pascal, mort et résurrection de Celui qui a été identifi é avec le Christ (1, 17-18). Comme en réplique à la fi gure du Fils de l’Homme du livre de Daniel, la fi gure royale de l’Agneau attribue au Christ ressuscité, le rôle d’un juge céleste, universel, capable d’énoncer le sens ultime de toute chose, de prendre la direction du combat eschatologique qui s’annonce, d’être le guide-« berger » de son peuple et de le conduire « vers des sources d’eaux vives » (7, 17-18). Yves-Marie BLANCHARD, L’Évangile du Christ Roi ou la figure johannique de l’Agneau, Paris, Desclée de Brouwer, 2012, 179 p.

