Apocalypse - Chapitre 15 - Les sept anges et l'annonce des sept coupes

Le chapitre 15 constitue une transition solennelle entre les jugements des trompettes (Ap 8–11) et ceux des coupes (Ap 16). Il s’agit du plus court chapitre du livre, mais l’un des plus denses théologiquement. Il prépare le lecteur à contempler la dernière série de châtiments « car en elles s’accomplit la colère de Dieu ». Sa fonction littéraire est à la fois introductive et liturgique : les juges ultimes sont précédés par une vision céleste de la victoire des saints et de la liturgie céleste. Ce chapitre établit le cadre cultuel dans lequel les coupes seront déversées et affirme, avant les événements terribles qui vont suivre, la justice divine et la fidélité de Dieu envers ses serviteurs.

Versets Commentaire
1 Et je vis dans le ciel un autre signe, grand et merveilleux : Sept anges tenaient sept fléaux, les derniers, car en eux s'accomplit la colère de Dieu. Jean contemple un « autre signe » ; il avait déjà mentionné deux signes dans Apocalypse 12. Ce nouveau signe est « grand et merveilleux », ce qui marque son importance théologique. Il annonce l’intégralité des derniers jugements : sept anges avec sept fléaux. La phrase « car en eux s’accomplit la colère de Dieu » indique une finalité : c’est la dernière étape du jugement eschatologique. L’expression « colère de Dieu » doit être comprise dans le sens biblique de la justice divine, non de la passion humaine : Dieu met fin au mal par une action déterminée.

Par inclusion, voici maintenant le signe qui clôture ces chapitres 12 à 15: les sept anges aux sept plaies. Comme nous y sommes maintenant habitués, le dernier élément de chaque partie de l’Apocalypse contient l’annonce du septénaire suivant. En l’occurrence, il s’agira du septénaire des coupes. D.A.
2 Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu. Debout sur la mer de cristal, les vainqueurs de la bête, de son image et du chiffre de son nom tenaient les harpes de Dieu. Jean voit une mer cristalline, déjà évoquée au chapitre 4, mais maintenant « mêlée de feu ». La pureté de la mer indique la sainteté du trône divin ; le feu introduit l’image du jugement. Les vainqueurs apparaissent debout sur cette mer. Ce sont ceux « qui avaient vaincu la bête, son image et le nombre de son nom ». Leur victoire est spirituelle : ils ont résisté à l'idolâtrie impériale et à la persécution. Ils tiennent « les harpes de Dieu », instrument liturgique symbolisant leur participation à la louange céleste.

L’ensemble de ces visions se termine par une liturgie qui s’inspire longuement du thème de l’Exode. La “mer de cristal mêlée de feu“ rappelle ici la mer Rouge ; les vainqueurs sont debout sur la mer, comme le peuple hébreu traversant la mer à pied sec. D.A.
3 Ils chantaient le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'agneau : Grandes et admirables sont tes œuvres, Seigneur, Dieu souverain. Justes et véritables sont tes voies, Roi des nations. Le texte juxtapose le cantique de Moïse (Ex 15), chant de libération après la traversée de la mer Rouge, et le cantique de l’Agneau, chant de victoire eschatologique. Cette double référence établit une continuité théologique forte : la rédemption chrétienne accomplit et dépasse l’exode. L’Agneau est identifié comme le facteur décisif de la libération ultime. Les saints louent les « œuvres grandes et admirables » de Dieu et sa justice. L’expression « roi des nations » souligne l’universalité du règne divin.
4 Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom ? Car toi seul es saint. Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, car tes jugements se sont manifestés. L’horizon est universel et eschatologique : toutes les nations reconnaîtront la sainteté du Seigneur. Ce verset s’appuie sur les prophéties d’Isaïe (Is 2, Is 66), confirmant le cadre prophétique du livre. La reconnaissance universelle de Dieu est motivée par la révélation de ses « jugements » ; la justice divine devient manifeste et indiscutable. La scène cultuelle prépare le lecteur à comprendre que les jugements qui vont suivre sont moralement justifiés.
5 Ensuite je vis : Le temple qui abritait le tabernacle du témoignage s'ouvrit dans le ciel, Après le chant, la vision se déplace vers le sanctuaire céleste. L’expression « tabernacle du témoignage » renvoie à la tente de la rencontre contenant les tables de la Loi. Cette référence à l’Exode souligne la continuité entre l’ancien Israël et le peuple eschatologique. L’ouverture du sanctuaire est un geste liturgique qui annonce que Dieu agit directement : les jugements ne sont pas arbitraires, mais procèdent du cœur même de la sainteté divine.

Le Temple s’ouvre, et la tente du Témoignage apparaît. À l’époque de la traversée du désert, cette tente du Témoignage (Nb 9,15 ; 17,22 ; 18,2) abritait l’arche d’alliance, appelée aussi “arche du Témoignage“, parce qu’elle contenait “le Témoignage“, c’est-à-dire les deux tables du Décalogue (Ex 25,16-22). Elle s’appelait également “Tente de la Rencontre“, le lieu où Dieu manifestait ses volontés à Moïse et au peuple (Ex 25,22). D.A.
6 et les sept anges qui tenaient les sept fléaux sortirent du temple ; ils étaient vêtus d'un lin pur, resplendissant, la taille serrée de ceintures d'or. Les sept anges, porteurs des fléaux, sortent du sanctuaire. Ils portent des vêtements « purs et resplendissants », signe de pureté et d’autorité, et sont ceints d’or, symbole royal et sacerdotal. Leur pureté contraste avec la corruption de la terre qui sera jugée au chapitre 16. Le fait qu'ils sortent du temple montre que les jugements à venir émanent directement de Dieu, non d’un caprice autonome.

Les anges revêtus du vêtement sacerdotal (voir Ex 28,39) ont pour fonction de réaliser la justice divine par la libation de sept coupes d’or remplies de la colère de Dieu. D.A.
7 L'un des quatre animaux (non identifié) donna aux sept anges sept coupes d'or, remplies de la colère du Dieu qui vit aux siècles des siècles. Un être vivant, l’un des quatre créatures proches du trône, transmet les coupes aux anges. Les coupes sont en or, signe de solennité, mais elles contiennent la « colère de Dieu ». Nous retrouvons ici le symbolisme des libations cultuelles inversé : au lieu de contenir un liquide de bénédiction ou d’offrande, elles contiennent la sanction divine. Le fait que l’être vivant joue le rôle d’intermédiaire souligne la participation du culte céleste à la mise en œuvre du jugement eschatologique, mais uniquement en tant que médiationx.
8 Et le temple fut rempli de fumée à cause de la gloire de Dieu et de sa puissance. Et personne ne pouvait entrer dans le temple jusqu'à l'accomplissement des sept fléaux des sept anges. La fumée rappelle de nombreuses théophanies bibliques (Ex 19 ; 1 R 8), signe de la présence directe de Dieu. Ici, elle exprime la sainteté inaccessible du Seigneur : « personne ne pouvait entrer dans le temple » tant que les fléaux n’étaient pas déployés. Cela signifie que le temps de l’intercession est suspendu : les jugements sont désormais irréversibles. C’est un moment dramatique de fermeture, symbolisant un point de non-retour dans l’histoire du salut.

Synthèse théologique du chapitre 15