Le fils de l'homme

Le titre de « Fils de l'homme » (en grec : Huios tou anthrôpou) est l'une des désignations les plus complexes et fréquentes que Jésus utilise pour parler de lui-même dans les Évangiles (près de 88 fois). Il a une richesse d'interprétation qui s'ancre à la fois dans l'Ancien Testament (tradition juive) et se développe dans la théologie chrétienne.

Dans l'Ancien Testament

    L'expression « fils de l'homme » (ben adam en hébreu, ou bar enash en araméen) est ambivalente :
  • Être humain ordinaire (Simplicité) : Dans de nombreux passages, notamment dans le livre d'Ézéchiel (93 fois), l'expression désigne simplement un être humain, un mortel, soulignant sa fragilité et sa dépendance face à Dieu.
  • Figure céleste et glorieuse (Transcendance) : Dans le livre de Daniel (chapitre 7, versets 13-14), l'expression prend une tout autre dimension. Jean-Baptiste voit venir « comme un fils d'homme » sur les nuées du ciel. Cette figure reçoit du « Vieillard des jours » (Dieu) « la domination, l'honneur et la royauté » ; son règne est éternel. Cette figure est associée à la victoire des « saints du Très-Haut » et au jugement des nations. Dans la tradition juive post-biblique (notamment dans le Livre d'Hénoch), cette figure a été interprétée comme un Messie céleste et juge eschatologique.

Dans le Nouveau Testament

    En s'auto-désignant « le Fils de l'homme », Jésus relie ces deux sens et lui donne une triple signification :
  • 1. L'Humanité Vraie et l'Abaissement (Dimension terrestre)
    • Ce titre souligne sa pleine humanité. Il est le descendant d'Adam (le « fils de l'humain »), partageant la condition humaine dans sa précarité, sa souffrance, son absence de foyer (« Le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête » - Mt 8, 20).
    • Il annonce par ce titre ses souffrances, sa mort et sa résurrection (par exemple, Marc 8, 31).
  • 2. L'Autorité divine (Dimension terrestre et céleste)
    • Jésus utilise ce titre pour affirmer son autorité sur terre, comme sa capacité à pardonner les péchés (Marc 2, 10).
    • Il s'identifie à la figure puissante et préexistante de Daniel 7, tout en intégrant l'idée de la souffrance.
  • 3. Le Juge et le Glorieux (Dimension eschatologique)
    • Le titre est principalement utilisé pour parler de sa venue glorieuse à la fin des temps pour le Jugement dernier (Matthieu 25, 31 : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, alors il siégera sur son trône de gloire »).
    • Dans l'Apocalypse (1, 13), Jean le voit dans sa gloire céleste : « au milieu des sept chandeliers, quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme ».

Synthèse théologique

    Le titre « Fils de l'homme » est souvent considéré comme la meilleure expression de l'identité du Christ, car il englobe le paradoxe central de la foi chrétienne :
  • Il est à la fois le vrai homme (la dimension humaine et souffrante).
  • Et le Messie céleste et divin (la dimension glorieuse et juge), venant sur les nuées.

Il permet d'exprimer la double nature de Jésus (vrai Dieu et vrai homme) sans l'opposition simpliste entre « Fils de l'homme » (humanité) et « Fils de Dieu » (divinité), car l'expression a toujours eu un sens prophétique et transcendant dans son contexte biblique.

Citations des Pères de l'Église sur le Fils de l'homme et l'Incarnation

Père de l'Église Thème Citation Source
Saint Irénée de Lyon Le but de l'Incarnation « Car il est venu pour sauver tous les hommes : tous, dis-je, qui sont régénérés en Dieu par lui, les enfants, les adolescents, les jeunes, et les vieillards. C'est pourquoi il est passé par tous les âges, se faisant pour les enfants un enfant, sanctifiant les enfants... » Contre les Hérésies, II, 22, 4
Saint Irénée de Lyon La Déification de l'homme « Le Verbe de Dieu s'est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l'homme, pour que l'homme, en se mêlant au Verbe, reçoive l'adoption et devienne fils de Dieu. » Contre les Hérésies, III, 19, 1
Saint Irénée de Lyon L'échange merveilleux « À cause de son surabondant amour, il s'est fait cela même que nous sommes, afin de faire de nous cela même qu'il est. » Contre les Hérésies, V, Préface
Saint Augustin d'Hippone Dieu fait homme (immortalité) « Dieu, qui est l'éternel, s'est fait homme, afin que l'homme, qui est mortel, puisse devenir immortel. » Lettre 187
Saint Augustin d'Hippone Le chemin (humanité) « Suis le chemin, son humanité, et tu parviendras jusqu'à Dieu ! C'est par Lui que tu marches, c'est vers Lui que tu marches. » Sermon 141, 4
Saint Augustin d'Hippone L'unité de la personne « Le Christ est donc un ; le Verbe, l'âme et la chair sont un seul Christ, le Fils de Dieu et le Fils de l'homme sont un seul Christ, Fils de Dieu éternellement, Fils de l'homme dans le temps, et pourtant un seul Christ selon l'unité de personne. » Traité sur l'évangile de Jean, XXVII, 4