Synopse des 7 coupes
Les sept coupes constituent le dernier cycle de jugements dans le livre de l’Apocalypse et représentent l’achèvement de la colère divine à l’égard du mal. Introduites par une vision liturgique céleste (Ap 15), elles ne sont pas une répétition mécanique des sceaux et des trompettes, mais leur accomplissement plénier. Alors que les trompettes annonçaient des jugements partiels destinés à susciter la repentance, les coupes manifestent un jugement total et définitif, sans appel, car le refus de se repentir est désormais explicite et irréversible.
Théologiquement, les coupes expriment avant tout la justice rétributive de Dieu. Plusieurs versets interprètent eux-mêmes le sens des jugements, notamment la troisième coupe : ceux qui ont versé le sang des saints reçoivent du sang à boire (Ap 16,6). Cette logique de réciprocité n’est pas arbitraire mais enracinée dans la théologie biblique de l’alliance, où Dieu agit en juge fidèle à sa parole. La colère divine n’est pas une passion irrationnelle mais la réponse sainte au mal persistant et à l’idolâtrie.
Un trait central de ce cycle est le durcissement du cœur humain. À deux reprises, le texte souligne que les hommes « blasphémèrent Dieu » et « ne se repentirent pas » (Ap 16,9.11). Cette absence de repentance marque une différence majeure avec les cycles précédents et révèle que le jugement final n’écrase pas une humanité innocente, mais confirme un choix spirituel déjà posé. Les coupes révèlent ainsi le caractère moral du jugement : Dieu dévoile ce que l’homme est devenu en s’opposant durablement à lui.
Les coupes visent aussi des dimensions structurelles du mal. La cinquième coupe frappe le trône de la bête, c’est-à-dire le cœur du système politique et idéologique hostile à Dieu. La sixième coupe agit sur l’Euphrate et rassemble les nations pour le combat final, montrant que le mal s’auto-organise et se précipite vers sa propre ruine. L’Apocalypse ne présente donc pas le jugement comme une intervention arbitraire de Dieu, mais comme une dévoilation de la logique autodestructrice du mal.
Sur le plan cosmique, les coupes manifestent une désintégration de l’ordre créé. Le soleil, la mer, les fleuves, l’air et la terre sont successivement touchés, suggérant une dé-création progressive qui précède la nouvelle création (Ap 21–22). Cette dynamique rappelle Genèse 1 en négatif : ce qui avait été ordonné est maintenant frappé, car la création elle-même a été entraînée dans la rébellion humaine.
Cependant, les coupes ne sont pas le dernier mot de l’Apocalypse. Leur fonction théologique est transitoire : elles préparent la chute de Babylone, la victoire du Christ et l’avènement du Royaume. La proclamation « C’est fait ! » (Ap 16,17) fait écho à l’achèvement de la création (« Dieu vit que cela était bon ») et à la parole du Christ en croix (« Tout est accompli »). Ainsi, le jugement est paradoxalement au service du salut, car il ouvre la voie à la restauration finale.
Enfin, les sept coupes affirment la souveraineté absolue de Dieu sur l’histoire. Elles sont versées sur ordre divin, depuis le sanctuaire céleste, et intégrées à une liturgie cosmique. Loin d’un chaos incontrôlé, le monde est conduit vers son terme par la fidélité de Dieu à sa justice et à ses promesses. Pour le lecteur croyant, les coupes ne sont donc pas seulement des images de terreur, mais une assurance : le mal n’a pas le dernier mot, et la sainteté de Dieu garantit la venue d’un monde nouveau.
| Coupe | Verset (référence et texte) | Explication |
|---|---|---|
| 1ère coupe |
Apocalypse 16:2 « Le premier alla, et il versa sa coupe sur la terre. Et un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui avaient la marque de la bête et qui adoraient son image. » |
Jugement ciblé contre les adorateurs de la bête. Il rappelle la 6e plaie d’Égypte (ulcères). Le jugement est ici rétributif : ceux qui ont marqué leur corps par l’idolâtrie sont frappés corporellement. |
| 2e coupe |
Apocalypse 16:3 « Le second versa sa coupe sur la mer. Et elle devint du sang, comme celui d’un mort; et tout être vivant mourut, tout ce qui était dans la mer. » |
Jugement total sur la mer, symbole du chaos, du commerce et des nations. Contrairement aux trompettes, il n’y a plus de limitation (« un tiers ») : la destruction est complète. |
| 3e coupe |
Apocalypse 16:4–6 « Le troisième versa sa coupe sur les fleuves et sur les sources des eaux. Et ils devinrent du sang… Car ils ont versé le sang des saints et des prophètes, et tu leur as donné du sang à boire: ils le méritent. » |
Jugement justifié explicitement par le sang versé des fidèles. L’eau, source de vie, devient instrument de mort. La coupe est interprétée théologiquement dans le texte lui-même. |
| 4e coupe |
Apocalypse 16:8–9 « Le quatrième versa sa coupe sur le soleil. Et il fut donné au soleil de brûler les hommes par le feu… et ils blasphémèrent le nom de Dieu, sans se repentir. » |
Jugement cosmique inversant la fonction bienfaisante du soleil. La réaction humaine est significative : la souffrance n’aboutit pas à la repentance mais à l’endurcissement. |
| 5e coupe |
Apocalypse 16:10–11 « Le cinquième versa sa coupe sur le trône de la bête. Et son royaume fut couvert de ténèbres… et ils blasphémèrent le Dieu du ciel, sans se repentir de leurs œuvres. » |
Jugement direct contre le pouvoir de la bête. Les ténèbres rappellent la 9e plaie d’Égypte. Le cœur du système idolâtre est frappé, mais sans conversion. |
| 6e coupe |
Apocalypse 16:12–16 « Le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve, l’Euphrate; et son eau tarit… Trois esprits impurs… rassemblèrent les rois de la terre au lieu appelé en hébreu Armageddon. » |
Jugement géopolitique et spirituel. L’assèchement de l’Euphrate ouvre la voie à un affrontement final. Les forces du mal s’auto-rassemblent pour leur propre destruction. |
| 7e coupe |
Apocalypse 16:17–21 « Le septième versa sa coupe dans l’air… Une voix sortit du temple: C’est fait! Et il y eut des éclairs, des voix, des tonnerres, et un grand tremblement de terre… » |
Accomplissement final de la colère divine. Le jugement est cosmique, total et irréversible. L’expression « C’est fait » correspond à l’achèvement du dessein divin. |
