Apocalypse - Chapitre 16 - Les sept coupes
Le chapitre 16 décrit le déversement des sept coupes de la colère de Dieu, dernière série de jugements après les sceaux (Ap 6–7) et les trompettes (Ap 8–11). Ce chapitre se distingue par sa structure très rigoureuse, son rythme rapide et son intensité croissante. Il présente les jugements non comme des catastrophes arbitraires mais comme l’accomplissement définitif de la justice divine contre les puissances rebelles. La narration utilise des parallèles explicites avec les plaies d’Égypte (Exode), renforçant la typologie d’un nouvel Exode eschatologique.
| Versets | Commentaire |
| 1 Et j'entendis une grande voix qui, du temple, disait aux sept anges : Allez et répandez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu. | Une voix forte sort du temple. Cela indique que les jugements procèdent exclusivement de Dieu ; aucun ange ni ancêtre n’intercède. Le temple était rempli de fumée au chapitre 15, empêchant toute entrée : cela signifie que le moment du jugement est irrévocable. Le commandement est simple et autoritaire : « Allez ». Les anges n’agissent pas de leur propre initiative ; ils obéissent. Le jugement se déploie donc comme un acte liturgique. |
| 2 Et le premier partit et répandit sa coupe sur la terre. Un ulcère malin et pernicieux frappa les hommes qui portaient la marque de la bête et qui adoraient son image. | La première coupe frappe directement le corps humain, rappelant les ulcères d’Égypte (Ex 9:9–11). Le jugement est ciblé : il atteint ceux qui ont pris la marque de la bête et ont adoré son image. Ce n’est pas une catastrophe aveugle. Il s’agit d’une réponse à un choix spirituel : l’allégeance à la bête produit une corruption intérieure qui se manifeste extérieurement. |
| 3 Le deuxième répandit sa coupe sur la mer : elle devint comme le sang d'un mort, et tout ce qui, dans la mer, avait souffle de vie mourut. | La mer entière devient du sang, et tout être vivant meurt. Ce jugement dépasse les plaies égyptiennes qui n’avaient touché que le Nil. Le symbolisme est radical : la mer, lieu du chaos dans la cosmologie biblique, se transforme en un espace de mort absolue. Cela anticipe la phrase finale du livre : « la mer ne sera plus » (Ap 21:1), non par destruction mais par transformation radicale de l’ordre cosmique. |
| 4 Le troisième répandit sa coupe sur les fleuves et les sources des eaux : ils devinrent du sang. | Après la mer, les eaux douces sont frappées. L’eau, symbole de vie, devient mort. Les sources d’eaux sont parfois associées à l’Esprit ou à la grâce (Jn 4; Ap 22:1), mais ici elles expriment le retrait de la vie pour ceux qui se sont opposés à Dieu. |
| 5 Et j'entendis l'ange des eaux qui disait : Tu es juste, toi qui es et qui étais, le Saint, car tu as ainsi exercé ta justice. | Le « ange des eaux » interprète le jugement. Ce motif rappelle le rôle des anges comme administrateurs de forces naturelles. |
| 6 Puisqu'ils ont répandu le sang des saints et des prophètes, c'est également du sang que tu leur as donné à boire. Ils le méritent ! | Il proclame la justice divine : ceux qui ont versé le sang des saints reçoivent « du sang à boire ». C’est une loi de rétribution, mais inscrite dans la sainteté de Dieu, non dans la vengeance humaine. Le verset montre que le jugement répond à un acte moral grave : la persécution des saints. |
| 7 Et j'entendis l'autel qui disait : Oui, Seigneur, Dieu souverain, tes jugements sont pleins de vérité et de justice. | Un second témoin, probablement l’autel lui-même, confirme la justice de Dieu. L’autel représente les prières et le témoignage des martyrs (Ap 6:9). Ce verset lie les jugements actuels aux supplications des martyrs demandant justice. L’histoire arrive donc au moment où la prière des saints est exaucée. |
| 8 Le quatrième répandit sa coupe sur le soleil : et il lui fut donné de brûler les hommes par son feu. | Le soleil, habituellement source de vie, devient instrument de jugement. Le changement de fonction d’un élément de la création souligne la souveraineté divine sur l’ordre cosmique. Il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle mais d’une action dépendant de Dieu : « il lui fut donné ». |
| 9 Et les hommes furent brûlés par une intense chaleur ; ils blasphémèrent le nom de Dieu qui a pouvoir sur ces fléaux, mais ils ne se repentirent pas pour lui rendre gloire. | La réaction humaine n’est pas la repentance mais le blasphème. Cela confirme l’idée qu’à ce stade de l’histoire, l’humanité rebelle est devenue spirituellement insensible. La justice divine confirme cette attitude, mais ne la cause pas : elle la révèle. |
| 10 Le cinquième répandit sa coupe sur le trône de la bête : son royaume en fut plongé dans les ténèbres. Les hommes se mordaient la langue de douleur ; | Ce jugement s’attaque directement au royaume de la bête, à son pouvoir politique. Les ténèbres sont une allusion aux plaies d’Égypte (Ex 10:21–23) et au symbolisme biblique du jugement. L’expression « ils se mordaient la langue de douleur » suggère une souffrance intérieure et spirituelle. Pourtant, encore une fois, « ils ne se repentirent pas ». |
| 11 ils blasphémèrent le Dieu du ciel à cause de leurs souffrances et de leurs ulcères, mais ils ne se repentirent pas de leurs œuvres. | Le refus de la repentance est un thème essentiel du chapitre. |
| 12 Le sixième répandit sa coupe sur le grand fleuve Euphrate : l'eau en fut asséchée pour préparer la voie aux rois qui viennent de l'orient. | L’Euphrate est la frontière du monde connu et le symbole de l’Empire perse puis romain. Son assèchement rappelle l’Exode et l’entrée en Canaan (Jos 3). Ici, cela ouvre la voie à l’armée des « rois de l’Orient ». Le texte n’identifie pas ces rois précisément ; l’important est leur rôle eschatologique : ils participent à l’ultime confrontation. |
| 13 Alors, de la bouche du dragon, de la bouche de la bête et de la bouche du faux prophète, je vis sortir trois esprits impurs, tels des grenouilles. | Ces trois esprits en forme de « grenouilles » sont une parodie démoniaque de la Trinité. Ils sortent de la bouche du dragon, de la bête et du faux prophète, soulignant leur nature mensongère. Ils opèrent des signes trompeurs pour rassembler les nations dans une guerre contre Dieu. Ce thème correspond aux prophéties de Joël et Zacharie sur l’assemblée des nations pour le jugement final. |
| 14 Ce sont, en effet, des esprits de démons. Ils accomplissent des prodiges et s'en vont trouver les rois du monde entier, afin de les rassembler pour le combat du grand jour du Dieu souverain. | |
| 15 Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et garde ses vêtements, pour ne pas aller nu et laisser voir sa honte. | Nouvelle béatitude. 2P 3,10 10 Le jour du Seigneur viendra comme un voleur; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les oeuvres qu'elle renferme sera consumée. |
| 16 Ils les rassemblèrent au lieu qu'on appelle en hébreu Harmaguedôn. | En hébreu, Har Meguiddo signifie “la montagne de Meguiddo“. Meguiddo est une ville située au pied du mont Carmel ; il y a là un “tell“ (monticule) qui a été creusé par les archéologues sur 60 mètres de profondeur, et qui découvre vingt couches superposées de villes détruites, dont les plus anciennes sont cananéennes (on peut voir à l’air libre un autel cananéen de forme circulaire). À l’origine, Meguiddo est une ville royale cananéenne, au sud-est du Carmel, dominant la plaine de Yizréel, sur la route qui mène de l’Égypte à la Syrie et la Mésopotamie. Depuis la défaite de Josias (2 R 23,29 et 2 Ch 35,20-25), Harmaguedôn est symbole de désastre. L’endroit devint synonyme de “tombeau des rois“. Ce serait donc l’annonce de la défaite finale des rois du monde.D.A. |
| 17 Le septième répandit sa coupe dans les airs, et, du temple, sortit une voix forte venant du trône. Elle dit : C'en est fait ! | La voix sort du temple : « C’est fait ». C’est une parole de clôture, comme « Tout est accompli » en Jn 19:30. Les jugements sont terminés dans leur dimension irréversible. |
| 18 Alors ce furent des éclairs, des voix et des tonnerres, et un tremblement de terre si violent qu'il n'en fut jamais de pareil depuis que l'homme est sur la terre. | |
| 19 La grande cité se brisa en trois parties et les cités des nations s'écroulèrent. Alors Dieu se souvint de Babylone la grande, pour lui donner la coupe où bouillonne le vin de sa colère. | |
| 20 Toutes les îles s'enfuirent et les montagnes disparurent. | |
| 21 Des grêlons lourds comme des talents tombèrent du ciel sur les hommes, et les hommes blasphémèrent Dieu à cause du fléau de la grêle, car ce fléau était particulièrement redoutable. | Ce passage décrit une tempête cosmique ultime. Le tremblement de terre, plus grand que tout autre, rappelle les théophanies de l’Ancien Testament. « La grande ville » est divisée en trois ; Babylone est explicitement mentionnée. Les îles et les montagnes disparaissent, annonçant le bouleversement cosmique du chapitre 20 et la recréation du chapitre 21. La grêle énorme (près de 45 kg selon le texte) représente une intensification extrême des plaies d’Égypte. |
Comparatif — Les 7 fléaux (coupes) de l’Apocalypse (chap.16) et les plaies d’Égypte
| 1. Les 7 trompettes (Rév.) | 2. Les 7 coupes (Ap 16) | 3. Les 10 plaies d'Égypte (Exode) | 4. Parallèles |
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1re trompette — Apocalypse 8:7 Extrait : « Il tomba de la terre de la grêle et du feu, mêlés de sang… une troisième des arbres fut brûlée. » (Ap 8:7, Segond) |
7e coupe — Apocalypse 16:17–21 Extrait : « Puis la septième versa sa coupe dans l’air; une voix forte sortit du temple: C’est fait! Et il y eut un grand tremblement de terre… et une énorme grêle tomba. » (Ap 16:17–21) |
7e plaie — Exode 9:13–35 Extrait : « L’Éternel fit pleuvoir de la grêle sur le pays d’Égypte. » (Ex 9:13-35) |
« Il fit périr leurs vignes par la grêle, Et leurs sycomores par la gelée. » (Psaumes 78:47) « Il leur donna pour pluie de la grêle, Des flammes de feu dans leur pays. Il frappa leurs vignes et leurs figuiers, Et brisa les arbres de leur contrée. » (Psaumes 105:32-33) |
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2e trompette — Apocalypse 8:8–9 Extrait : « Une grande montagne enflammée… jetée dans la mer; la tierce partie de la mer devint du sang… » (Ap 8:8–9) |
2e & 3e coupes — Apocalypse 16:3–7 Extraits : 2ᵉ coupe — « La mer devint du sang… » (Ap 16:3). 3ᵉ coupe — « Les fleuves et les sources d’eaux devinrent du sang… » (Ap 16:4). |
1re plaie — Exode 7:14–24 Extrait : « L’Éternel dit à Moïse: …on frappa les eaux… et elles devinrent en sang; les poissons moururent. » (Ex 7:20–21) |
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3e trompette — Apocalypse 8:10–11 Extrait : « Une grande étoile, ardente comme un torche, tomba du ciel… le nom de cette étoile est Absinthe: la tierce partie des eaux devint amère. » (Ap 8:10–11) |
— (pas de coupe assignée) |
— Pas de plaie d’Égypte directe | |
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4e trompette — Apocalypse 8:12 Extrait : « Le tiers du soleil, de la lune et des étoiles fut frappé… et une tierce partie du jour s’obscurcit. » (Ap 8:12) |
5e coupe — Apocalypse 16:10 Extrait : « Le cinquième répandit sa coupe sur le trône de la bête : son royaume en fut plongé dans les ténèbres. » (Ap 16:10) |
9e plaie — Exode 10,21-29 « […] il y eut d’épaisses ténèbres dans tout le pays d’Égypte, pendant trois jours. […] » (Exode 10:21-29) |
« Il envoya des ténèbres et amena l'obscurité, Et ils ne furent pas rebelles à sa parole. » (Psaumes 105:28) |
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1e coupe — Apocalypse 16:2 Extrait : « Un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui avaient la marque de la bête… » (Ap 16:2) |
6e plaie — Exode 9,8-12 Extrait : « Ils prirent de la cendre de fournaise, et se présentèrent devant Pharaon ; Moïse la jeta vers le ciel, et elle produisit sur les hommes et sur les animaux des ulcères formés par une éruption de pustules. » (Ex 9,8-12) |
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5e trompette — Apocalypse 9:1–12 Extrait : « Un astre tomba du ciel à la terre… il ouvrit le puits de l’abîme; de la fumée sortit et des sauterelles… elles tourmentent les hommes. » (Ap 9:1–3) |
— (pas de coupe correspondante) |
8e plaie — Exode 10:1–20 Extrait : « L’Éternel fit venir sur l’Égypte des sauterelles… elles couvrirent la face de toute la terre. » (Ex 10:12–15) |
« Il livra leurs récoltes aux sauterelles, Le produit de leur travail aux sauterelles. » (Psaumes 78:46) « Il dit, et parurent les sauterelles, des sauterelles sans nombre, qui dévorèrent toute l'herbe du pays, qui dévorèrent les fruits de leurs champs. » (Psaumes 105:34-35) |
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6e trompette — Apocalypse 9:13–21 Extrait : « Les quatre anges qui étaient liés près du grand fleuve Euphrate furent relâchés… pour tuer la tierce partie des hommes. » (Ap 9:14–15) |
6e coupe — Apocalypse 16:12–16 Extrait : « Le fleuve Euphrate fut asséché, afin que l’on préparât la voie aux rois de l’Orient… ils furent rassemblés au lieu appelé Armageddon. » (Ap 16:12,16) |
— Pas de plaie d’Égypte correspondant | |
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7e trompette — Apocalypse 11:15–19 Extrait : « Le septième ange sonna; il y eut de fortes voix dans le ciel qui disaient: Le royaume du monde est venu à être celui de notre Seigneur… Et il y eut des flashes, tonnerres, éclairs, et un grand tremblement de terre. » (Ap 11:15–19) |
4e coupe — Apocalypse 16:8–9 Extrait : « Le soleil fut donné pour brûler les hommes par le feu… et ils blasphémèrent le nom de Dieu. » (Ap 16:8–9) |
— Pas de plaie d’Égypte correspondant directement |
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Remarques méthodologiques :
- Les extraits bibliques ci-dessus sont des résumés ou brefs extraits (Segond, formulations condensées) visant la lisibilité du tableau ; pour l’étude, il est utile de consulter les versets complets dans ta traduction de référence (Segond, TOB, Louis Second, etc.).
- La correspondance entre trompettes, coupes et plaies est en partie typologique et symbolique : l’Apocalypse réemploie des motifs de l’Exode (eau, grêle, ténèbres, sauterelles) afin de signifier un nouveau jugement typologique à l’échelle cosmique.
Synthèse théologique du chapitre 16
Les fléaux déclenchés par la libation
des coupes “sont volontairement présentés
comme accomplissement du type
prophétique offert par les plaies d’Égypte.
C’est dire qu’il ne s’agit pas de catastrophes
déchaînées par un Dieu vindicatif,
mais d’une partie constitutive de
l’histoire du salut : à travers les plaies
d’Égypte, Dieu a libéré son peuple; ainsi
les signes du jugement sont-ils à la fois
châtiment et instruments de salut“ (P.
Prigent).
Le septénaire des trompettes attirait
l’attention du lecteur sur le sens profond
de certains événements tragiques
qui marquent l’histoire
humaine. Ce sont comme les prodromes
avertisseurs du jugement
final ; ils sanctionnent l’attitude de
refus et de péché des hommes, mais
ils appellent à la repentance, à la
conversion. Cependant, de même
que Pharaon s’est endurci dans son
refus en se mettant jusqu’au bout en
travers de la volonté divine de libération
de son peuple, de même l’humanité
dans son ensemble s’endurcitelle
dans le refus de la Parole de
Dieu (Ex 9,20-21).
Le septénaire des coupes reprend le
thème des plaies d’Égypte et nous
montre cette fois-ci la réalisation du
jugement final. Le jugement est le
temps de la colère de Dieu. Elle sanctionne
l’endurcissement des hommes
idolâtres et pécheurs (vv.2.9.10.21),
l’attitude d’une humanité qui ne veut
pas se repentir (vv.9.11). Les
hommes s’enfoncent dans leur révolte
et leurs blasphèmes (vv.9.11.21), et
c’est leur perte irrémédiable. De
même que Pharaon a été englouti
dans les eaux de la mer Rouge, de
même l’humanité devra passer par
une mort avant que n’advienne le
monde nouveau.

