Femmes prêtres
Faut-il ouvrir le sacrement de l'ordre aux femmes ?
Diaconesses
Rom 16,1 Je vous recommande Phoebé, notre sœur, qui est diaconesse de l’Église de Cenchrées.
Nous fêtons le soixantième anniversaire de l’institution du diaconat permanent. Faut-il à cette occasion reposer la question de l’ordination des femmes au diaconat ?
L’origine du diaconat remonte aux Actes des apôtres (6). Sept hommes sont ordonnés diacres par imposition des mains. Paul mentionne une diaconesse dans son Épître aux Romains (16,1-2). Les premiers siècles témoignent de la présence de diaconesses, notamment auprès de l’évêque pour l’assister lors de la célébration du baptême. Mais la Tradition de l’Église abandonne le diaconat aussi bien homme que femme.
La question de l’ordination diaconale des femmes revient régulièrement sur le tapis lors des différents synodes (Amazonie, Allemagne, Belgique) pour être évacuée par l’autorité pontificale. Aucun argument théologique ou anthropologique ne permet d’étayer ce rejet. Les femmes disposent des aptitudes requises et le "service", sens originel du mot "diaconat", n’a jamais été réservé aux hommes. Le seul motif recevable est d’ordre ecclésiologique : le risque du schisme. En d’autres termes, il faut laisser à l’Église le temps d’évoluer et non pas se focaliser sur des résultats à court terme. Mais ce qui est impensable aujourd’hui sera naturel demain.
Dans une société liquide où tout avance trop vite, il est bon de garder des points de repère. Mais le diaconat, dans sa dimension de sacrement de l’ordre, n’est pas un point de repère de la Tradition ecclésiale. En tant que sacrement du service, il concerne aussi bien les hommes que les femmes, comme le montre toute la Bible. Marthe est une figure emblématique du service de la table, même si Jésus lui reproche ses préoccupations matérielles ; la samaritaine annonce la venue du messie ; une pécheresse lave les pieds de Jésus ; enfin, Marie se déclare "servante du Seigneur" (Lc 1,38). N’est-ce pas le modèle de tout serviteur sur lequel pourrait s’appuyer l’ordination diaconale des femmes ?
Nul besoin d’être ordonné pour être serviteur ! le Saint-Père rappelle que « les femmes ont toujours eu la fonction de diaconesses sans être diacres ! ». De fait, les femmes n’ont pas attendu le sacrement du diakonos, pour assumer des services au sein de l’Église ! Mais une reconnaissance ecclésiale pour toutes les femmes de l’ombre mettrait un peu de lumière dans l’Église.
Dans un entretien accordé à la télévision américaine CBS (21 mai 2024), le pape François exclut l’entrée des femmes dans l’ordre des diacres.
« Si l’on parle de diacres munis des ordres sacrés, non ». « Mais les femmes ont toujours eu la fonction de diaconesses sans être diacres, n’est-ce pas ? Les femmes sont d’un grand service en tant que femmes, pas en tant que ministres (…) dans le cadre des ordres sacrés. »
Ces propos ouvrent une porte : la possibilité de devenir diaconesse, sans pour autant assimiler cet appel au sacrement de l’ordre.
Enfin, soulignons deux points d’actualité. Le Patriarcat grec-orthodoxe d’Alexandrie et de toute l’Afrique a ordonné jeudi 2 mai 2024 une première femme diaconesse, Angelic Molen, au Zimbabwe. La justice belge a reconnu l’actuel archevêque de Malines-Bruxelles et son prédécesseur coupables de discrimination pour avoir refusé à une femme la formation pour devenir diacre (25 juin 2024).
Femmes prêtres
Toute vocation se déploie au sein d’une culture. Jésus n’a appelé que des hommes au sein d’une société régie par des hommes. La liberté de Jésus s’exprime dans un contexte qui ne remet pas en cause la place des femmes. Si Jésus ne tient pas compte des convenances, il respecte l’ordre établi.
Passons en revue les arguments en faveur ou contre les femmes prêtres :
- La source : Jésus est un homme et n’a appelé que des hommes. Mais ni Jésus ni les apôtres n’ont été ordonnés (au sens moderne de ce terme).
- La capacité : Les hommes et les femmes disposent des mêmes capacités intellectuelles, spirituelles ou psychologiques.
- Le symbolisme : Jésus était un homme. Une femme peut-elle symboliser un homme ? La réponse diverge selon que les arguments mettent l’accent sur l’humanité ou le genre. Louis-Marie Chauvet a bien montré dans son étude "Symbole et sacrement" que la symbolisation ne saurait être arbitraire.
- La tradition : La tradition a toujours retenu des hommes pour la fonction sacerdotale, mais notre pape aime répéter à propos de la liturgie, sans parler explicitement du sacerdoce, que ce n’est pas parce que l’on a toujours fait ainsi qu’il faut continuer à le faire. D’autres religions ont évolué. Par ailleurs, il s’agit de "discipline" et non de dogme. Or la discipline n’est pas immuable.
- L’Église : Admettre des femmes prêtres aujourd’hui risque de provoquer un schisme ; les mentalités ne sont pas prêtes pour une telle révolution. La frange la plus conservatrice de l’Église formule de vives réserves sur l’ordination des femmes.
- Les vocations : Un remède à la crise des vocations sacerdotales ? Il est bien difficile de connaître le nombre de femmes attirées par la vocation sacerdotale. La crise des vocations existe aussi dans le protestantisme où les femmes peuvent devenir pasteurs, voire évêques.
En conclusion, les arguments ne permettent pas de trancher nettement en faveur d’une position. Nous sommes tous prêtres, prophètes et rois en vertu de notre baptême. Alors faisons confiance à l’Esprit...
Trois avis :
Autre enjeu pour elles, déconstruire le système de pouvoir. Car là réside le nœud de la résistance à l’ordination des femmes. Tant qu’il y aura confusion entre le sacrement (le prêtre) et l’autorité hiérarchique (le chef), on ne remettra pas en cause la masculinité de l’ordre. Quand on parviendra à délier les prêtres de cette périlleuse interprétation, que l’on peut presque considérer comme un esclavage, et à décléricaliser l’Église, alors la question des femmes et des hommes laïcs, et du diaconat pour tous, se posera autrement. Journal La Croix, Isabelle de Gaulmyn, le 29/05/2024.
Depuis plus d’un millénaire, les femmes font peur au clergé, qui les tient à distance et les diabolise, car elles menacent leur vœu de chasteté. D’autre part, sur la masculinité du clergé s’est construite une masculinité de Dieu, fantasmée et fautive, mais assez ancrée pour dissuader de voir en une femme le représentant du Christ. Ensuite, une typologie des genres a figé les fonctions, hommes d’un côté, femmes de l’autre.
Pour asseoir cette typologie, Rome a fait appel à la notion de « différence » qui, en assignant aux femmes la « vocation » d’être épouses et mères, confirme leur éviction des « ordres sacrés ». Ainsi s’établit une inégalité ontologique tout à fait étrangère à l’esprit de Jésus. D’évidence, l’Église se plie davantage aux lois du corporatisme mondain qu’aux consignes évangéliques. Mais en décidant que les femmes sont « moins » que les hommes, ne fait-elle pas de celles qui sont catholiques la dernière colonie du monde occidental ? Devant le poids d’un tel risque, n’est-il pas étonnant que le magistère ne se précipite pas pour mettre fin au plus vite à cet apartheid ? Journal La Croix, Anne Soupa, 30/09/2024.
Pourquoi les femmes ne sont-elles pas autorisées à devenir prêtres ? Parce que seul un homme peut représenter l’homme Jésus-Christ, dit-on souvent. La spécialiste du Nouveau Testament de Salzbourg, Marlis Gielen, s'y oppose dans son article et fonde son point de vue sur la Bible et sur un sacrement très central.
La question de l’égalité d’accès des femmes à toutes les fonctions ecclésiastiques ne peut plus être ignorée dans le monde catholique romain. Une réponse positive, face aux signes des temps, devient de plus en plus urgente. Il existe des preuves sérieuses à cela. Il convient de mentionner ici le vote du Synode amazonien de Rome à l'automne 2019 ou le Chemin synodal récemment lancé par l'Église catholique en Allemagne, dans lequel l'un des quatre forums est consacré au thème « Les femmes dans les services et les fonctions de l'Église ». Enfin, le président nouvellement élu de la Conférence épiscopale allemande, l'évêque du Limbourg Georg Bätzing, a déclaré que l'égalité des femmes dans l'Église catholique était le défi le plus important de son nouveau mandat. Néanmoins, Rome n'est apparemment pas (encore) prêt à avancer sur la « question des femmes » malgré des contradictions croissantes et les bien fondées sur le plan théologique et pastoral. Ceci est également confirmé par la lettre post-synodale « Querida Amazonia » récemment publiée par le pape François.
La déclaration « Inter insigniores » de la Congrégation pour la doctrine de la foi contre l'ordination des femmes a été publiée dès 1976, malgré un rapport critique de la Commission biblique pontificale sur la portée de son argument. Et depuis lors, aucun nouvel argument théologiquement ou exégétiquement valable n’a été avancé. Au contraire : comme l'a dit à juste titre Dorothea Sattler, théologienne de Münster, le rejet de l'ordination des femmes par le magistère de l'Église se concentre de plus en plus sur l'argument selon lequel seul un prêtre de sexe masculin peut représenter l'homme Jésus-Christ dans l'Eucharistie ou agir "in persona Christi". Si tel est le cas, le symbolisme sacramentel ne doit pas être remis en cause.
Du point de vue du Nouveau Testament, c’est précisément cet argument qui mérite d’être réfuté par une ancienne tradition baptismale qui remonte aux débuts de la théologie post-pascale, que Paul décrit dans Ga 3,27 :
« Car vous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a ni juif ni grec, il n'y a ni esclave ni libre, il n'y a ni mâle ni femelle. Car vous êtes tous UN en Jésus-Christ. »
La vieille tradition rapporte les effets du baptême sur les personnes : ils ont revêtu le Christ – comme un vêtement, pour ainsi dire. Comme nous le savons tous, l'habit fait l'homme. Cela s'exprime en langage figuré : Les baptisés sont devenus le Christ lui-même ; ils ont reçu son identité, l'identité du Fils de Dieu, sans différence dans le baptême. Paul confirme expressément que cela doit bien être compris à travers cette affirmation : « Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ » (Ga 3, 26). Ce nouveau statut de fils de Dieu caractérise le baptisé de manière totalement indépendante de son origine religieuse (Juif/Grec), de son statut social (esclave/libre), mais surtout quel que soit son sexe biologique (homme/femme). En tant que membres de la communauté de ceux qui ont inextricablement lié leur salut au Christ, c'est-à-dire en tant que membres de l'Église (ekklesia), ils ne diffèrent plus les uns des autres par le baptême, mais sont UN, chaque (!) baptisé est le fils de Dieu Christ Jésus.
Tous deviennent « clergé » par le baptême
Étroitement liée à cette première théologie baptismale est la conviction que tous les croyants en Christ reçoivent l'Esprit par le baptême et deviennent donc des « ecclésiastiques » (cf. par exemple Gal 4 :6 ; 1Cor 12 :13 ; Actes 2 :17f/Joël 3, 1f). Cette conviction a eu un impact direct sur la conception de la vie communautaire (ecclésiale). Pour l'Apôtre Paul, il est clair que l'accueil de l'Esprit chez le baptisé se concrétise individuellement à travers sa propre vocation (charisme), qui doit être fécond pour le service de l'Évangile et pour la construction de la communauté de foi (cf. 1 Cor 12 :4-28). Bien que les différents charismes soient équivalents comme étant exercés par l'Esprit, les fonctions de leadership sont déjà documentées pour la première génération chrétienne dans les lettres de Paul (par exemple 1 Thess 5:12f ; 1Cor 16:15f), dont la perception elle-même nécessite un charisme correspondant (1Cor 12:28f). Il est prouvé que ces fonctions de gouvernance étaient également exercées par des femmes, dont certaines étaient même connues de nom. Seuls l'apôtre Junia (Rom 16,7) et la diaconesse Phoebé (Rom 16, 1f) sont mentionnées.
Les principales tâches des dirigeants concernaient les domaines de la prédication et de l'organisation communautaire. En revanche, ni dans les sept lettres authentiques de Paul ni dans les écrits ultérieurs du Nouveau Testament, la fonction de direction dans le repas eucharistique des communautés n'est évoquée, et encore moins définie en termes sacerdotaux. De manière générale, on remarque que le terme grec « hiereus », dans le sens d'une fonction sacerdotale, est totalement absent dans le contexte des structures communautaires du Nouveau Testament. Et bien que les titres officiels ultérieurs « episkopos » (surveillant/inspecteur), « presbyteros » (ancien) et « diakonos » (commissaire/commissaire) soient utilisés individuellement ou dans diverses combinaisons, les écrits du Nouveau Testament ne reconnaissent pas encore une distinction à trois niveaux, structurés hiérarchiquement. Les premiers signes de ceci ne sont documentés que dans les lettres pastorales écrites bien après le tournant du IIe siècle (1.2 Tim ; Tit). Cette évolution est évidemment due à la nécessaire adaptation des structures de gouvernance de l'Église à la nouvelle situation de vie des chrétiens, afin de créer des conditions optimales pour la vie au sein de l'Église et pour la diffusion de l'Évangile.
Chaque baptisé représente le Christ dans le monde
De ce constat brièvement esquissé, trois conclusions peuvent être tirées pour aujourd’hui :
1. Vouloir nier a priori aux femmes baptisées qu'elles peuvent et sont autorisées à agir « in persona Christi » en raison de leur sexe biologique est incompatible avec la tradition baptismale que cite l'Apôtre Paul dans Gal 3 :27f. Car selon cette tradition, tous les croyants au Christ reçoivent l'identité du Christ par le baptême sans distinction, ou en d'autres termes : ils sont conformes au Christ. Pour cette raison, chaque baptisé représente le Christ dans le monde. Ainsi, les baptisés et les baptisées sont, en principe, également capables de représenter le Christ sacramentellement, c’est-à-dire d’agir « in persona Christi ». En pensant plus loin à Gal 3:27f, cela signifie : ce n'est pas seulement par la consécration qu'un petit cercle d'hommes exclusivement baptisés se conforme au Christ, comme l'a récemment souligné le pape François dans « Querida Amazonia » (QA 87). L'ordination sacramentelle confère plutôt l'autorité d'agir effectivement "in persona Christi", notamment lors de la dispensation des sacrements de pénitence et de l'Eucharistie (cf. QA 88). Cependant, si le baptême conforme les baptisés au Christ, quel que soit leur sexe biologique, alors la théologie du baptême interdit de refuser aux femmes l'ordination qui leur permet de représenter le Christ sacramentellement.
2. La tradition baptismale de Gal 3,27f contient également la clé théologique décisive pour vaincre toute forme de cléricalisme, qui préoccupe à juste titre le pape François. Si le baptême façonne fondamentalement tous ceux qui sont baptisés dans la même forme en les rendant conformes au Christ sur le plan théologique, et si tout ce qui sépare les gens dans ce monde devient sans importance dans la communauté des chrétiens (église), alors il ne peut et ne doit pas y avoir une nouvelle différence entre les laïcs et le clergé dans cette communauté, différence qui serait établie par l'ordination. Si Gal 3 :27f est vraiment pris au sérieux, cela signifiera inévitablement la fin d’un « christianisme à deux classes » avec le danger implicite d’abus de pouvoir des clercs.
3. La conception concrète et la compréhension sacerdotale de l’ordre structuré hiérarchiquement en trois degrés, tel que nous le trouvons aujourd’hui dans l’Église catholique, se sont développées historiquement. Un regard sur les écrits du Nouveau Testament montre que la génération apostolique n’était pas consciente d’une telle fonction, et encore moins l’attribuait à la volonté fondatrice de Jésus de Nazareth. Ce qui devient évident, c’est que l’Église primitive a créé des structures de gouvernance, confiantes dans le soutien de l’Esprit divin, et les a modifiées lorsque cela était nécessaire. Leur succès dans l’évangélisation dans les conditions les plus difficiles parle de lui-même. Pour l'Église catholique d'aujourd'hui, qui doit également faire face à d'énormes problèmes internes et externes, cela a deux conséquences : 1. Les questions structurelles, qui incluent également les structures officielles de l'Église, ne doivent pas être considérées comme secondaires, mais plutôt comme un facteur important pour la réussite de l'évangélisation. 2. Parce que la fonction ecclésiastique doit servir l'évangélisation et n'est pas elle-même évangélique, la fonction enseignante de l'Église catholique a non seulement l'autorité, mais aussi le devoir de poursuivre cette fonction face aux signes des temps avec confiance dans l'Esprit divin pour qu'il puisse remplir sa mission. Au XXIe siècle, cela implique notamment de l'ouvrir (à nouveau) aux femmes qui se sont conformées au Christ par le baptême et qui peuvent donc bien sûr également agir « in persona Christi ».
Remarque : Par le baptême nous devenons tous prêtres/prêtresses, prophètes/prophétesses et rois/reines. Mais ce sacrement ne fait pas de chaque baptisé un membre du clergé. Il convient de distinguer ces trois fonctions de la mission conférée à l'ordination sacerdotale. Un "prêtre" laïc a une mission différente par rapport à un "prêtre" ordonné.
Liens
Histoire - Comment l’Église a donné aux femmes une place éminente (Aubrée David-Chapy)
Quel était le rôle des diaconesses dans l’Église primitive ? (Vincent Aucante )
Place des femmes dans l’Église catholique (Wikipédia)
Sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes (Jean-Paul II)
Le statut de la femme dans le judaïsme (Gabrielle Atlan)
La condition de la femme dans le judaïsme (Interview de M. le Grand Rabbin Ernest Gugenheim)