Je crois donc je doute
Accorder sa confiance
Avoir foi en quelqu’un, c’est lui accorder sa confiance. Un enfant, juché sur un muret, saute dans les bras de son père, parce qu'il sait que son père le rattrapera. Une personne prise au piège d'un incendie sautera dans le drap tendu des pompiers. Elle est obligée de faire confiance si elle veut sauver sa vie. Dans une relation amoureuse, les partenaires ont confiance l'un en l'autre, mais aucune preuve irréfutable ne permet de dire : je resterai à tes côtés jusqu'à la mort. Un doute subsiste, parce que les aléas de la vie nous échappent. Le propre de la confiance est d'avancer, sans tout connaître de l'avenir. La confiance est consubstantiellement liée à l’incertitude. La foi mûrit à travers les épreuves ; elle s’approfondit à travers des interrogations. Enracinée dans une parole donnée, la foi est assez souple pour ne pas se fossiliser, pour ne pas se scléroser.
Toutes les raisons que nous pourrons donner n’obligeront jamais quelqu’un à croire. Le vrai problème, c’est la position de départ qu’on adopte. Quand quelqu’un est « contre » l’existence de Jésus, il est important de tenter de discerner quelle est la vraie raison de ce rejet et de l’amener à en prendre conscience. En quelque sorte, il faut s’intéresser à ses présupposés. Cela peut demander du temps. La foi chrétienne, elle, restera toujours une question de confiance. Le Christ lui-même l’a voulu ainsi lorsqu’il a refusé de ressusciter quelqu’un pour qu’on croie en lui. Il en avait pourtant le pouvoir. Yannick IMBERT, Michel Onfray et Jésus, Croire et vivre, n° 172 - décembre 2018.
Dans les évangiles, nous voyons des personnes croire en Jésus, notamment dans les miracles. Certains disciples de Jésus ont douté sur sa personne :
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? (Mt 11,3)
Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. (Jn 20,25).
Il est humain de vouloir des preuves, ou tout au moins des signes. Deux amoureux avancent ensemble parce qu'ils se donnent des signes de leur amour. Quels signes Dieu nous donne-t-il ?
Dans la révélation biblique, Dieu demande à Abraham de quitter son pays.
Gn 12,1-2 Va-t’en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction.
Abram ne connaît pas ce dieu ; pas même son nom. « Va ! » Cette injonction d’une syllabe résonne dans l’histoire, car elle initie autant le chemin de l’homme que les voies d’un dieu mystérieux. Abram ne discute pas l’ordre divin. Il obéit en se mettant en route, en quittant ses terres natales, en laissant ceux qui lui ont transmis la vie. Il rompt avec le passé pour un voyage initiatique. Abram se met en route à 75 ans plutôt que de goûter au repos de la vieillesse. Il abandonne son pays dans une confiance assurée, sans savoir où ses pas le mèneraient.
Hé 11,8 C'est par la foi qu'Abraham, lors de sa vocation, obéit et partit pour un lieu qu'il devait recevoir en héritage, et qu'il partit sans savoir où il allait.
Abram accorde sa confiance en ce dieu anonyme et invisible. Mais Dieu lui accorde aussi sa confiance ; il lui donne sa foi à travers le don d'une alliance. Dieu promet une terre et une descendance (voir le sujet). Abraham et Sarah doutent de cette promesse à cause de leur âge :
Gn 17,17 Abraham se jeta face contre terre et il rit ; il se dit en lui-même : « Un enfant naîtrait-il à un homme de cent ans ? Ou Sara avec ses quatre-vingt-dix ans pourrait-elle enfanter ? » 18,11 Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes. 12 Sara se mit à rire en elle-même et dit : « Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux ! »
L'expérience de la foi n'est pas un long fleuve tranquille. Nous ne connaissons pas tous les détails du chemin qui mène à Dieu. L'important est de ne jamais s'arrêter, de se relever en cas de chute et surtout de se laisser chercher par Dieu. S'il est sain se s'interroger, il est saint de savoir se taire et d'écouter ce que Dieu veut nous dire. Dieu ne résout pas les équations de la raison, mais il déplace les montagnes en nous ouvrant à l'incroyable.
Le doute fait grandir lorsqu'il est acceptation de ne pas tout savoir, de ne pas tout comprendre. Il conduit à l'immobilisme et à l'absurde lorsqu'il refuse toute forme d'engagement avec les risques qu'il comporte. Un doute permanent conduit à la peur ; il freine notre cheminement vers un terme que nous ne connaissons pas avec certitude. L'ultime promesse, celle de la résurrection et de la vie éternelle, ne s'accueille que dans la foi.
Les raisons de douter
Le silence de Dieu
Dieu semble faire la sourde oreille ! Dans la Bible, de nombreux orants se plaignent à de multiples reprises de la surdité de Dieu :
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 22,1).
Jusqu'à quand, Yahvé, m'oublieras-tu ? Jusqu’à la fin ? Jusqu'à quand me vas-tu me cacher ta face ? Jusqu'à quand mettrai-je en mon âme la révolte, en mon cœur le chagrin, de jour et de nuit ? Jusqu'à quand mon adversaire aura-t-il le dessus ? Regarde, réponds-moi, Yahvé mon Dieu ! Illumine mes yeux, que dans la mort je ne m’endorme. (Ps 12,2-4)
Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? Réveille-toi ! Ne nous repousse pas à jamais ! Pourquoi caches-tu ta face ? Pourquoi oublies-tu notre misère et notre oppression ? (Ps 44,23-24).
Éternel ! Écoute ma voix, je t’invoque : Aie pitié de moi et exauce-moi ! (Ps 27,7).
Ô Dieu ! Prête l’oreille à ma prière, et ne te dérobe pas à mes supplications ! Écoute-moi, et réponds-moi ! J’erre çà et là dans mon chagrin et je m’agite ! (Ps 55,1-2).
Jusqu'à quand, Seigneur, vais-je t'appeler au secours sans que tu m'écoutes, et vais-je crier à la violence sans que tu nous en délivres ? Pourquoi me fais-tu voir tant d'injustice ? Comment peux-tu accepter d'être spectateur du malheur ? (Ha 1,2-3).
Ces plaintes retentissent encore aujourd’hui comme une litanie. Le chemin de croix de l’humanité n’en finit pas de s’allonger de station en station. Dieu ne décroche pas son téléphone. Les SMS ou les courriels ne connaissent pas plus de succès. Les plaintes contre Dieu pour non-assistance à personne en danger s’allongent inexorablement. Devons-nous alors insister jusqu’à ce que las de nous entendre, il réponde favorablement à nos requêtes (Lc 18,1-8) ? Une vie ne suffit pas toujours. Tiré du livre "Dieu tout-puissant, mythe ou réalité".
Le mal
Le mal est illogique, c’est-à-dire hors de toute compréhension rationnelle lorsque nous tentons de résoudre la question du « pourquoi »... La pire des souffrances, celle qui pose le plus de questions est bien celle de l’innocent, celle du juste sur qui s’abat un événement dramatique. Cette catégorie est la plus difficile à supporter et à accepter parce qu’elle est injuste, incompréhensible, inexplicable et absurde. Par exemple celle de l’enfant qui naît avec une maladie incurable, celle de cette famille décimée dans un tremblement de terre, celle de l’enfant unique tué accidentellement. Ces événements nous plongent dans une révolte pour laquelle les mots ont peu de poids, comme un non-sens qui résonne dans le vide. Et nous nous tournons alors vers Dieu, soit pour y trouver un réconfort, soit pour l’accuser ou se révolter, ce qui est légitime, car nous voulons une explication et juger le coupable. Tiré du livre "Dieu tout-puissant, mythe ou réalité".
Le contre-témoignage
L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ... ou s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins ... . C'est donc par sa conduite, par sa vie, que l'Église évangélisera tout d'abord le monde, c'est-à-dire par son témoignage vécu de fidélité au Seigneur Jésus, de pauvreté et détachement, de liberté face aux pouvoirs de ce monde, en un mot, de sainteté.
Ce qui n'est pas scandale pour l'un peut l'être pour l'autre. Saint Paul dicte à ce propos la ligne de conduite aux chrétiens de Rome. Certains d'entre eux se croient encore tenus en conscience par les prescriptions légales qu'ils observaient dans le judaïsme, d'autres ont compris qu'ils en étaient libérés, et ils étaient portés à mépriser les premiers: "Cessons donc de nous juger les uns les autres. Jugez plutôt qu'il ne faut pas être pour un frère cause de chute ou de scandale ... . Tout est pur, certes, mais il est mal de manger quelque chose lorsqu'on est ainsi cause de chute" (14, 13. 20). La règle est de rechercher la paix et l'édification mutuelle.
Georges Cottier, Extrait de cet article.
« Je ne mesure pas l’impact de mes actes ou de mes paroles, mais je sais qu’elles en ont, que ce soit dans un sens positif ou négatif. Si tant de reproches sont faits aux chrétiens concernant la justice ou la solidarité ou la sincérité, c’est que beaucoup ont une haute idée du message évangélique et en attendent des manifestations chez les chrétiens. » Chronique audio de Mgr Bruno Lefevre Pontalis.
Être “témoin” du Christ et de son message, c’est ce que Jésus a demandé à ses disciples avant de les quitter : “Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre”. C’est notre rôle, notre mission essentielle. Mais qu’est-ce qu’un témoin ? Au sens le plus courant, c’est un mot utilisé en justice pour désigner quelqu’un qui a vu un événement, une situation ou entendu quelque chose et qui peut le certifier, en attester la vérité devant un juge. Mais bien sûr, le mot a un sens plus large : il désigne quelqu’un dont la vie est telle que les autres en viennent à s’interroger et à questionner cette personne sur la source de sa singularité.
Pour nous chrétiens, cette “singularité” n’est pas dans l’originalité d’un habit, d’une mise à part du monde, mais dans l’effort pour vivre selon l’évangile en sachant que, bien souvent, cette fidélité nous fait déborder les frontières de l’opinion générale et donc étonne. Le chrétien vit dans le monde ; sa singularité n’est pas de se retrancher du monde, mais de faire de l’évangile sa référence et la priorité dans ses choix. Parmi les “singularités” qui peuvent poser question, signalons l’amour des ennemis, mais aussi le pardon, le sens du service au-delà de nos propres avantages, prendre la dernière place, quitter tout pour suivre le Christ, donner sa vie pour les autres... Ce sont tous les paradoxes de la vie évangélique qui, s’ils sont vécus en vérité, ne peuvent pas ne pas interpeller beaucoup de nos contemporains.
Extrait d'un article du diocèse de Paris.
L'objet du désir
André Compte Sponville, reconnu comme « proche de la tradition chrétienne et si manifestement marqué par les Évangiles », en énumère trois. Sa première raison est celle de l’immensité du mal. Elle est sans doute la plus radicale. La deuxième est la médiocrité de l’ensemble des hommes « plutôt dérisoires que méchants ». La troisième, plus surprenante, mais plus grave, est que la foi en Dieu et la religion correspondent trop « exactement à nos désirs les plus forts, qui sont de ne pas mourir et d’être aimés. C’est une raison de s’en défier : une croyance qui correspond si bien à nos désirs, il y a tout lieu de penser qu’elle a été inventée pour cela, pour nous satisfaire, pour nous consoler. C’est la définition de l’illusion ». Ne rejoint-on pas ici la fameuse formule de Renan : « Le désir crée généralement son objet » ? Ce fut la grande objection du XIXe siècle en particulier avec Feuerbach et Marx, puis Freud. La réponse donnée ci-dessus disait que le néant ne fonde rien et qu’il ne peut pas fonder une telle dynamique ouverte à l’infini de Dieu. Est-ce suffisant pour emporter la conviction ? N’est-ce pas un raisonnement bien abstrait ? Reconnaissons toutefois que cet accord profond entre notre désir et ce que propose la foi chrétienne demeure troublant et invite à la réflexion. Cette foi a donc une rationalité. D’autre part, on a vu avec le Père de Lubac, que rien ne peut expliquer l’origine de tels désirs et du désir de Dieu. L’incroyant comme le croyant se heurtent au même mystère. B. Sesboüé, Croire.
Les différentes religions
Ne serait-il pas plus simple de croire s'il n'y avait qu'une religion révélée ? Or le monde regorge de religions, de courants spirituels, de mouvements ésotériques. Le mot "religion" vient du latin "religare" qui signifie "relier". L'amour n'est-il pas la seule "religion" qui unit des hommes et des femmes de toute race, culture et ... religion.
Les raisons de croire
- Une causalité première qui s'affranchit de toutes les causes secondes.
- La complexité et la beauté de l'univers qui ne sauraient être le fruit du hasard.
- La révélation biblique qui nous trace un chemin d'espérance jusque dans l'au-delà.
- Jésus-Christ qui nous annonce la bonne nouvelle de la résurrection.
- Un sens ultime que nous cherchons parfois toute la vie.
- Une soif d'infini qui nous habite tous.