Le pardon dans le Nouveau Testament
Dans l’Ancien Testament, le péché est étroitement associé au manquement de la loi. Le pardon vise à "recouvrir" ce manque pour que la personne puisse retrouver sa place au sein de la communauté. Le Nouveau Testament et plus particulièrement Jésus, apportent-il un nouvel enseignement ?
Vocabulaire
Charizomai : Rendre, remettre une dette, accorder une grâce, se livrer, donner par grâce, pardonner, faire grâce.
Luc 7:21 A l’heure même, Jésus guérit plusieurs personnes de maladies, d’infirmités, et d’esprits malins, et il rendit (charizomai) la vue à plusieurs aveugles.
Luc 7:42 Comme ils n’avaient pas de quoi payer, il leur remit (charizomai) à tous deux leur dette (charizomai).
Ephésiens 4:32 Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant (charizomai) réciproquement, comme Dieu vous a pardonné (charizomai) en Christ.
Colossiens 3:13 Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous (charizomai) réciproquement. De même que Christ vous a pardonné (charizomai), pardonnez-vous aussi.
Aphiemi : Laisser faire, ne pas résister, laisser, pardonner, quitter, renvoyer, remettre, négliger, abandonner, rendre, permettre, avoir, pousser, omettre, cesser, répudier.
Matthieu 6:12 pardonne (aphiemi)-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons (aphiemi) à ceux qui nous ont offensés.
Matthieu 6:14 Si vous pardonnez (aphiemi) aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera (aphiemi) aussi.
Matthieu 6:15, mais si vous ne pardonnez (aphiemi) pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera (aphiemi) pas non plus vos offenses.
Matthieu 7:4 Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse (aphiemi)-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ?
Matthieu 8:15 Il toucha sa main, et la fièvre la quitta (aphiemi) ; puis elle se leva, et le servit.
Luc 18:28 Pierre dit alors : Voici, nous avons tout quitté (aphiemi), et nous t’avons suivi.
1 Corinthiens 7:11 si elle est séparée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari, et que le mari ne répudie (aphiemi) point sa femme.
https://emcitv.com/bible/strong-biblique-grec-aphiemi-863.html
70 fois 7 fois - Mt 18, 21-22
Verset | Commentaire |
Mt 18,15 « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et fais-lui tes reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. | Jésus invite chacun à œuvrer pour la conversion de ses frères et sœurs. D’abord, seul à seul. Cela pourrait aussi s’appliquer à une réconciliation en tête à tête. Cf. Mt 5,24 : Va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande. Jésus nous demande de prendre l’initiative et de pratiquer la correction fraternelle. Le "va" est un envoi en mission. Mais la conversion reste subordonnée à la liberté de l’autre, à son écoute. N’y a-t-il pas un risque de voir la paille dans l’œil du prochain, plutôt que la poutre dans son propre œil ?
W. Davies et D. Allison voient dans l’expression
verbale « fais-lui reproche » de Mat 18, 15 le sens fondamental de « mettre à découvert,
exposer, révéler, démontrer l’erreur ou la faute de l’autre ». Semblablement, J.
Galot considère que « le verbe employé signifie non pas nécessairement réprimander ni
faire reproche, mais raisonner l’autre pour le convaincre qu’il a mal agi » (Basset, 1995, p.
412). Pour sa part, la psychanalyste Marie Balmary nuance ainsi le terme hébreu : « (il ne
s’agit pas) d’un reproche-jugement, mais d’une de ces paroles qui essaie de montrer à
quelqu’un un mal dont il n’a peut-être pas conscience bien qu’il en soit l’auteur » (Balmary,
1986, p. 57). Ces remarques lexicales colorent la signification que l’on peut donner à ces
paroles, l’objectif de reprendre l’autre étant de lui faire prendre conscience, de l’éveiller à
l’impact négatif de ses gestes et non de le réprimander comme la traduction porte à le
croire. |
16 S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins. | Rôle clé des témoins. Il n’y avait pas, à l’époque du Nouveau Testament, d’enquête scientifique ! tout se joue sur la foi des témoins. Leurs témoignages peuvent faire mourir, comme cela faillit arriver à la chaste et pieuse Suzanne (au livre de Daniel, chapitre 13) quand deux vieux lubriques et fourbes, qui siègent au tribunal, font croire qu’elle s’est laissée aller avec un jeune homme, parce qu’elle s’était refusée à eux. C’est leur témoignage discordant devant le jeune Daniel qui sauva la vie de Suzanne et rétablit son honneur. Oui, prendre des témoins est affaire très sérieuse. Mais dans notre récit, rien n’y fait. Véronique Margron. La Vie, 08/09/2023. |
17 S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église, et s’il refuse d’écouter même l’Église, qu’il soit pour toi comme le païen et le collecteur d’impôts. | Tout semble dit, rien à faire de plus, tout le monde s’est investi dans la résolution du conflit, la liste des intervenants allant in crescendo et là on est arrivé à une limite. Trop c’est trop.
Il a péché contre moi. Il ne m’a pas écouté, il n’a pas écouté les témoins, il n’a pas écouté l’Eglise dans son ensemble, la sentence tombe comme un couperet : je dois le considérer comme un païen et un publicain. Il est facile de lire cela comme une exclusion : le païen est celui qui se fourvoie de Dieu, le publicain est le collecteur d’impôts pour la puissance d’occupation les romains. Pourtant si l’on relit l’Evangile, l’exclusion ne serait pas si évidente. Jésus s’est adressé à une païenne la femme syro phénicienne et a même admiré sa foi, et au moins deux de ses disciples que l’on connaît Zachée et Lévi sont des publicains. Pas d’exclusion donc mais une écoute, un appel, une opportunité pour se remettre en question. Recourir à la communauté, à l’ecclesia, est la dernière chance de trouver une issue. Non pas chercher la foule, ni les chefs, ni les savants ou encore les anciens. Simplement la communauté en sa diversité... Mais là encore, rien de miraculeux. L’échec est possible. Si le cœur est toujours fermé, endurci, il convient de traiter cet homme comme un païen, un péager. Il ne devient pas mon ennemi, mais il n’est plus mon frère dans la communauté, celui avec qui je partage le désir de vivre ensemble du Christ. Manière d’être réaliste, de refuser tout angélisme qui sévit parfois dans nos Églises, au nom d’une miséricorde bien mal comprise. Véronique Margron. |
18 En vérité, je vous le déclare : tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel. | Le « lier » et le « délier » renvoient d’une part à toute libération pour laquelle nous pouvons aider nos frères, et d’autre part à la construction de la paix entre les personnes comme entre les peuples. Être « lié » c’est être privé de liberté. Cela s’exprime en chacun à travers les obscurités de nos vies, à travers les choix destructeurs que nous pouvons faire, à travers toutes les addictions petites ou grandes qui entravent notre désir de sainteté et de bonheur. Nous sommes tous des êtres marqués par une certaine aliénation, par certains enfermements dans lesquels nous sommes comme prisonniers. Si notre libération demande un effort personnel, l’aide d’une sœur, d’un frère est capital. Nous avons tous fait l’expérience d’avoir besoin d’un autre pour y voir plus clair, pour tenir dans l’effort, pour être accompagné sur notre route. N’est-ce pas l’expérience des disciples d’Emmaüs, enfermés dans leur tristesse, liés dans l’apparent échec de leur maître Jésus. Nous avons besoin d’un frère afin de délier ce qui empêche notre joie. Mais cela nous invite à prendre conscience d’une responsabilité vis-à-vis des autres. Dans la mesure où nous prenons conscience de ce qui aliène les autres, Jésus nous demande de leur apporter notre aide. Si Jésus est considéré comme le libérateur de l’humanité, il nous est demandé, à notre petite mesure, d’essayer d’aider nos frères à se libérer du mal qui les empêche de vivre pleinement. Il nous est demandé d’aider nos frères et sœurs à délier leurs chaînes, leurs liens comme Jésus l’avait demandé pour son ami Lazare : » Déliez-le et laissez-le aller » Jn 11, 44. Jésus évoque la relation entre deux personnes ayant un contentieux qui les divisent. Dans ce cas, les deux personnes sont « liées », elles sont prisonnières de leur désaccord et elles ne seront libérées, déliées que s’ils acceptent de faire la vérité entre eux. S’ils arrivent à se mettre d’accord, il s’agit bien d’une libération, non plus d’une seule, mais de deux personnes précédemment en conflit. Cette libération s’appelle la paix. Il est intéressant de voir que Jésus inscrive le dialogue comme le seul moyen de résoudre un conflit grave. Nous le savons, la force, si elle est parfois nécessaire, n’apportera qu’une paix extérieure, relative, précaire. Seul le dialogue en vérité peut permettre de construire une paix durable. Ce dialogue vrai conduisant au pardon réciproque. N’est-ce pas d’ailleurs l’expérience de l’histoire des peuples. Homélie Maurice Fourmond. https://maurice-fourmond.over-blog.com/2014/09/tout-ce-que-vous-aurez-lie-sur-la-terre-sera-lie-dans-le-ciel-et-tout-ce-que-vous-aurez-delie-sur-la-terre-sera-delie-dans-le-ciel.h |
21 Alors Pierre s’approcha et lui dit : « Seigneur, quand mon frère commettra une faute à mon égard, combien de fois lui pardonnerai-je ? Jusqu’à sept fois ? » | La traduction française parle de "faute", là où Jésus parle de "péché" (v. 15). Dans le grec, il s’agit du même mot amartanô, ἁμαρτάνω (commettre un péché). |
22 Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. | Pourquoi Jésus fait-il de la surenchère ? Veut-il simplement souligner l’exigence absolue du pardon ? Sans doute, mais Jésus – ou l’évangéliste – a surtout en tête ce passage de la Genèse où Lamek, descendant direct de Caïn, s’écrie : « J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. C’est que Caïn est vengé sept fois mais Lamek soixante-dix-sept fois » (Gn 4, 23-24). Sept est le chiffre de la plénitude, comme les sept jours de la création, les sept sacrements, les sept… Il signifie la dimension incommensurable du pardon. Faut-il suivre Jésus sur ce chemin ? Jésus invite Pierre à aller de la plénitude vers l’infini : Soixante dix fois sept fois. L’expression n’a rien d’une opération arithmétique, elle vise à exprimer ce qui est humainement impossible à calculer. Il faut toujours pardonner, du moins faire notre bout de chemin pour arriver au pardon. |
Pardonne-leur… - Lc 23,34
Lc 23,33 Arrivés au lieu dit « le Crâne », ils l’y crucifièrent ainsi que les deux malfaiteurs, l’un à droite, et l’autre à gauche. 34Jésus disait : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Une première remarque. Jésus ne pardonne pas lui-même, mais demande à son Père d’accomplir cette tâche. Deuxièmement il est intéressant de constater que le Christ explique la raison de ce pardon : il faut pardonner à cause de l’ignorance. Mais s’ils ne savent pas ce qu’ils font, ne sommes-nous pas dans le registre de l’excuse ? Il n’y a rien à pardonner, puisqu’ils ne peuvent pas être tenus pour responsables de ce qu’ils ne comprennent pas. Celui qui ne sait pas ce qu’il fait ne peut pas être tenu pour responsable de son péché, il est peut-être coupable, mais pas responsable.
Dans le livre de Jonas Dieu ne condamne pas Ninive. Pour expliquer cette décision, Dieu dit :
Jon 4,11 Et moi, comment n’aurais-je pas pitié de Ninive, la grande ville, où, sans compter une foule d’animaux, il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne distinguent pas encore leur droite de leur gauche ?
Des habitants de Ninive qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche. Dieu fait preuve de miséricorde à cause de leur ignorance.
Voilà donc la règle dans la Bible, la vraie responsabilité face à un péché ne peut avoir lieu que lorsque
le pécheur comprend ce qu’il fait, et qu’il décide quand même de le faire. Tout comme Caïn qui décide
de tuer son frère alors que Dieu vient juste de le prévenir que cet acte-là. Alors pourquoi pardonner ? Il n’y a rien à pardonner, pourquoi appeler au pardon, du coup ?
Eh bien moi je pense que c’est précisément pour creuser la question du pardon que ce paradoxe réside
dans cette phrase. Le double paradoxe, le fait qu’il faudrait rappeler à Dieu de pardonner, le fait qu’il
faille pardonner à des gens qui ne savent pas ce qu’ils font.
Ce double paradoxe est ici, pour nous enseigner, et nous faire réfléchir.
Dieu n’a pas besoin qu’on lui rappelle de pardonner, il nous donne sa grâce bien avant que nous ayons
pu la mériter ou y répondre. Lui aime d’une façon très différente de nous. Mais nous hommes, avons
besoin que l’on nous rappelle constamment qu’il faut essayer de pardonner. Car ce n’est pas dans notre
nature.
Car si l’on nous fait du mal, si l’on nous fait souffrir, nous nous vengerons instinctivement si nous le
pouvons, et si nous ne le pouvons pas nous transformerons cela en ressentiment, cette force de rancune
qui dort à l’intérieur de nous et qui nous pourrit le cœur très lentement.
Oui c’est ainsi que nous agissons bien souvent, que nous le sachions ou pas, que nous le reconnaissions
ou pas, parce que nous sommes humains, parce que nous avons des émotions, et des instincts. Et que
c’est pour ainsi dire un réflexe pour nous que de frapper celui qui nous frappe ou d’insulter celui qui
nous menace ou nous fait peur.
Et c’est pour cela que Jésus patiemment nous rappelle qu’il faut essayer de pardonner, en suivant son
exemple, mais en se référant aussi à son Père, ce modèle qui, lui, aime d’un amour sans limite.
Le second paradoxe qui consiste à pardonner là ou manifestement il n’y a rien à pardonner est là pour
nous faire comprendre que souvent, le mal qui nous est fait ne nous est pas fait de façon intentionnelle.
Les gens qui nous blessent, aussi méchants que nous puissions les trouver, agissent par bêtise ou par
colère la plupart du temps. Mais ils ne comprennent pas totalement ce qu’ils font, le mal qu’ils nous
font réellement. Comme un gamin méchant qui pourrait se moquer du physique d’un autre enfant sans
comprendre les ravages que cela peut occasionner sur son existence tout entière.
Souvent les gens qui nous blessent ne nous visent pas personnellement, nous ne sommes que des
moyens d’exprimer une violence ou une forte frustration réprimée au fond de soi.
Et c’est cela aussi que Luc essaie de nous montrer par ce récit de la crucifixion, afin que, comprenant
que ceux qui nous blessent ne nous comprennent pas, nous puissions trouver en nous une once
d’empathie pour ces derniers, et que chemin faisant nous soyons capables peut être un jour de leur
pardonner.
Non pas juste au nom de notre foi, mais vraiment à cause de leur incompréhension, à cause de leur
humanité limitée et souffrante. Car c’est bien cette humanité-là dans ses ténèbres et sa lumière qui
nous relie tous et fait de nous des enfants de Dieu.
EPUDF Marseille-Provence.
https://marseille-provence.epudf.org/wp-content/uploads/sites/25/2024/10/pardonne-leur.pdf
Cette parole paraît apporter une réponse à la question Pourquoi pardonner ? : « car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Néanmoins, plusieurs questions émergent de cette simple réponse. Qui sont ceux
qui ne savent pas ce qu’ils font ? Pourquoi ne savent-ils pas ce qu’ils font ? Qu’est-ce qu’ils ne savent pas ? Qu’ils condamnent un innocent ? Qu’ils pensent faire le bien, mais font le mal ? Cherchaient-ils leur bien ? Sans le savoir ? Ces paroles réfèrent-elles à une situation particulière, propre à la Passion, ou ont-elles une portée étendue, universelle ? Pardonne-t-on seulement « car ils ne savent pas ce qu’ils font » ? Est-ce toujours le cas ? L’énigme du pardon, sa justification, trouve-t-elle réponse ici ? Serait-ce que pardonner c’est reconnaître que derrière le mal commis, il y a erreur d’ignorance, d’inconscience, de méconnaissance – plutôt que faute ou méchanceté ?
Le pardon évangélique vise à restaurer, à recréer tout amour brisé, tout amour mis en jachère. Cette distinction des finalités introduit une différenciation entre le pardon évangélique et le pardon psychothérapeutique.
Richard Lalonde. Voir le lien dans la bibliothèque.
Contre l'Esprit
Mc 3, 29 Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais : il est coupable de péché pour toujours.
Mt 12, 32 Celui qui dit une parole contre le Fils de l'homme sera pardonné ; mais celui qui parle contre le Saint-Esprit ne sera pardonné ni dans le monde présent, ni dans le monde à venir.
Lc 12, 10 Et quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais qui aura blasphémé contre le Saint Esprit, cela ne lui sera pas pardonné.
Disons-le tout de suite, personne ne sait vraiment ce que signifie « blasphémer contre l'Esprit Saint ». C'est en étudiant le contexte dans lequel Jésus prononce cette parole qu'on peut avoir des éléments de réponse. Ainsi, la plupart des commentateurs affirment qu'il s'agirait d'attribuer au démon ce qui est l'oeuvre de Dieu en Jésus Christ, donc refuser la lumière et le pardon. Une telle attitude mettrait hors du salut. Si l'homme est excusable de se méprendre sur Jésus, son identité et sa mission, il ne le serait plus de fermer les yeux aux oeuvres de l'Esprit. Dans ce cas, ce serait bien plus que mentir à Dieu.
Luc met en opposition le péché pardonnable contre le Fils de l’homme et celui impardonnable contre l’Esprit Saint. Or Jésus est identifié, durant son ministère terrestre, au Fils de l’homme, alors que l’Esprit Saint est, dans le langage biblique, propriété de Dieu. En fait, la traduction littérale du vocable latin spiritus (en hébreu ruah et en grec pneuma) est tout simplement souffle. Parler de l’Esprit de Dieu, ou plus précisément de son Souffle, c’est une façon imagée de désigner sa puissance agissant dans le monde. En fait, le Souffle est l’instrument par lequel Dieu exerce son règne sur l’univers. Cela n’empêche toutefois pas que, dans la Bible, cette puissance, sans être une entité distincte de Dieu, ait souvent été personnifiée; tout comme l’ont d’ailleurs été la sagesse et le péché.
Revenons maintenant à Lc 12,10 où on lit : Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné; mais qui aura blasphémé contre le Saint Esprit, cela ne lui sera pas pardonné. Pour évaluer correctement la portée de cette proclamation, il faut d’abord comprendre que l’évangile ne concerne pas seulement l’activité de Jésus de Nazareth durant sa mission terrestre, mais il concerne également ce que la communauté a saisi du Christ, dans l’exercice de son règne messianique, au fil des décennies postpascales. Car l’évangile n’est pas une biographie de Jésus mais bien un portrait où sont superposés les traits de Jésus de Nazareth et ceux du Christ ressuscité. La parole citée plus haut (Lc 12,10) fait donc référence, elle aussi, aux deux niveaux d’existence de Jésus, Christ. C’est pourquoi on pouvait dire qu’une parole contre le Fils de l’homme, c’est-à-dire contre Jésus de Nazareth, est pardonnable, parce que de son vivant, on ne savait pas encore qui il était et qui il allait devenir; alors que blasphémer contre le Saint Esprit est impardonnable, parce que c’est refuser de reconnaître les œuvres accomplies par le Messie au cœur de l’Église primitive, lesquelles seraient évidentes, aux dires de la communauté. Le coupable se refuserait donc à lui-même le pardon. Cette situation est d’ailleurs clairement illustrée dans le récit d’Ac 4,5-22.
Odette Mainville. Voir le lien dans la bibliothèque.
Ac 4,5 C’est donc le lendemain que s’assemblèrent les chefs, les anciens et les scribes qui se trouvaient à Jérusalem. 6Il y avait Hanne le grand prêtre, Caïphe, Jean, Alexandre et tous les membres des familles de grands prêtres. 7Ils firent amener Pierre et Jean devant eux, et procédèrent à leur interrogatoire : « A quelle puissance ou à quel nom avez-vous eu recours pour faire cela ? » 8 Rempli d’Esprit Saint, Pierre leur dit alors : 9 « Chefs du peuple et anciens, on nous somme aujourd’hui, pour avoir fait du bien à un infirme, de dire par quel moyen cet homme se trouve sauvé. 10 Sachez-le donc, vous tous et tout le peuple d’Israël, c’est par le nom de Jésus Christ, le Nazôréen, crucifié par vous, ressuscité des morts par Dieu, c’est grâce à lui que cet homme se trouve là, devant vous, guéri. 11 C’est lui, la pierre que vous, les bâtisseurs, aviez mise au rebut : elle est devenue la pierre angulaire. 12 Il n’y a aucun salut ailleurs qu’en lui ; car aucun autre nom sous le ciel n’est offert aux hommes, qui soit nécessaire à notre salut. » 13 Ils constataient l’assurance de Pierre et de Jean et, se rendant compte qu’il s’agissait d’hommes sans instruction et de gens quelconques, ils en étaient étonnés. Ils reconnaissaient en eux des compagnons de Jésus, 14 ils regardaient l’homme qui se tenait près d’eux, guéri, et ils ne trouvaient pas de riposte.
Autres études
-
D’autres récits traitent du pardon. Ci-dessous les liens vers les études concernées.
- Le fils prodigue.
- Le pardon dans le Notre Père.
- La femme adultère.
- Voir aussi l’étude sur la rédemption.