Livre du prophète Habacuc
Contexte
L’en-tête du livre ne comporte aucune référence à un règne permettant de préciser la chronologie. Une seule mention vraiment historique figure dans le livre :
Ha 1,6 Oui ! voici que je suscite les Chaldéens, ce peuple farouche et fougueux, celui qui parcourt de vastes étendues de pays pour s’emparer des demeures d’autrui.
Les Chaldéens sont une des désignations des Babyloniens. Abraham est originaire d’Ur en Chaldée. Par ailleurs, le livre ne mentionne ni l’Égypte ni l’Assyrie, puissances rayées de la scène politique à cette époque. Le contexte du verset se situe vers 602, année durant laquelle les Babyloniens pillent à plusieurs reprises la Syrie, mais sans encore atteindre Juda. On se situe donc sous le règne de Joïaqim, et Habacuc serait un contemporain de Jérémie.
Plan
- Chapitre 1 :
- Plainte de Habacuc (1,2-4) : Il voit la violence, l’oppression, l’injustice parmi le peuple d’Israël. Il demande à Dieu pourquoi il n’intervient pas.
- Réponse de Dieu ((1,5-11) : Dieu annonce qu’il va utiliser les Chaldéens (Babyloniens), un peuple cruel, pour punir Juda.
- Deuxième plainte de Habacuc (1,12-17) : Comment Dieu peut-il utiliser un peuple encore plus injuste pour punir les siens ?
- Chapitre 2 :
- Réponse de Dieu (2,1-5) : Il dit que le jugement des Chaldéens viendra aussi en son temps. Il appelle à la foi : « Le juste vivra par sa foi » (Habacuc 2:4) Ce verset est fondamental dans la théologie biblique, cité par Paul dans le Nouveau Testament (Romains 1:17, Galates 3:11) et aussi dans Hébreux 10:38. Pour le judaïsme, la sentence « le juste vivra par la fidélité » (Ha 2,4) réclame une grande fidélité du croyant vis-à-vis de Dieu et de la Loi. Le mot hébreu ’èmèt, « fidélité », va être traduit dans la Bible (la Septante) par le mot grec pistis, « foi ». L’apôtre Paul reprend ce verset dans deux lettres (Lettre aux Romains 1,17 ; Lettre aux Galates 3,11-12). Pour Paul, le « juste » est celui qui croit en Jésus-Christ. Il est appelé à vivre par la foi.
- Série de cinq malédictions (2,6-20) : Malheur...
- Chapitre 3 :
- Prière de Habacuc (3,1-19) : Un psaume poétique où le prophète se souvient des actions puissantes de Dieu dans le passé, et affirme sa confiance malgré les épreuves. Il conclut avec une attitude de foi radicale : « Même si le figuier ne bourgeonne pas… pourtant je me réjouirai en l’Éternel » (Habacuc 3:17-18).
Message
Habacuc se distingue des autres prophètes en ce qu’il ne s’adresse pas au peuple, mais plutôt dialogue avec Dieu.
Le message central du livre peut être résumé ainsi : Pourquoi Dieu permet-il l’injustice et le mal, et quand interviendra-t-il pour restaurer la justice ?
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Thèmes principaux
- Foi en Dieu malgré l’incompréhension
- Justice divine différée mais certaine
- Souveraineté de Dieu sur les nations
- Espérance dans les moments de crise
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Le livre
- donne un modèle de foi pour ceux qui luttent avec la souffrance ou les injustices qu’ils ne comprennent pas.
- affirme que Dieu contrôle l’histoire, même quand tout semble aller mal.
- rappelle que la foi est la réponse appropriée dans les périodes de silence ou d’attente de Dieu.
Texte
1,1 La proclamation dont fut chargé le prophète Habaquq dans une vision.
2 Jusqu’où, Yahvé, mon appel au secours ne s’est-il pas élevé ?
Tu n’écoutes pas.
Je te crie à la violence,
tu ne sauves pas.
3 Pourquoi me fais-tu voir la malfaisance ?
acceptes-tu le spectacle de l’oppression ?
En face de moi, il n’y a que ravage et violence ;
lorsqu’il y a procès, l’invective l’emporte.
4 Alors, la loi est engourdie,
et le droit ne voit plus jamais le jour.
Quand un méchant peut garrotter le juste,
alors, le droit qui vient au jour est perverti.
5 Voyez le spectacle parmi les nations,
soyez pris de saisissement !
Car, dès maintenant, quelqu’un passe aux actes,
et vous n’y prêtez pas foi
quand on vous le rapporte !
6 Car me voici ! Je fais surgir les Chaldéens,
ce peuple impitoyable et impétueux
qui parcourt des étendues de pays
pour s’approprier des demeures qui ne sont pas à lui.
7 Il est épouvantable et terrible,
c’est lui-même qui fonde
son droit et sa suprématie.
8 Ses chevaux sont plus lestes que des léopards,
ils ont plus de mordant que les loups du soir.
Ses cavaliers se déploient,
ses cavaliers viennent de loin, ils volent
comme l’aigle qui fond sur sa proie.
9 Tout à la violence, le voilà qui vient,
le visage tendu vers l’avant ;
il a entassé des captifs comme du sable.
10 C’est lui qui se moque des rois,
les princes sont un jouet pour lui.
C’est lui qui se joue de toute forteresse :
pour la prendre, il fait une levée de terre.
11 C’est alors que l’esprit a changé.
Il a passé outre et s’est rendu coupable ;
celui-là, sa force est son Elohim
!
12 N’est-ce pas toi qui, dès l’origine, es Yahvé,
mon Elohim, mon Saint (qadosh) ? Nous ne mourrons pas !
Yahvé, tu l’as établi pour le jugement ;
Rocher, tu l’as affermi pour un rappel à l’ordre.
13 Tu as les yeux trop purs pour voir le mal,
tu ne peux accepter le spectacle de l’oppression ;
pourquoi donc acceptes-tu le spectacle des traîtres,
gardes-tu le silence
quand un méchant engloutit plus juste que lui ?
14 Tu fais désormais les hommes à l’image des poissons de la mer,
de ce qui grouille sans maître :
15celui-là les tire tous à l’hameçon,
il les drague au filet,
les ramasse au chalut.
Alors, il est joyeux, il exulte,
16 alors, il offre un sacrifice à son filet,
de l’encens à son chalut,
car ils sont gonflés pour lui d’une part abondante,
d’une nourriture copieuse.
17 Alors, videra-t-il son filet
pour encore assassiner des nations
sans trêve ni pitié ?
2,1 Je tiendrai bon à mon poste de garde,
je resterai debout sur les retranchements.
Je guetterai pour voir ce qu’il
dira contre moi
et ce que je répondrai au rappel à l’ordre.
2 Yahvé m’a répondu, il m’a dit :
Ecris une vision,
donnes-en l’explication sur les tables
afin qu’on la lise couramment
3 car c’est encore une vision concernant l’échéance.
Elle aspire à sa fin, elle ne mentira pas ;
si elle paraît tarder, attends-la,
car elle viendra à coup sûr, sans différer.
4 Le voici plein d’orgueil, il ignore la droiture,
mais un juste vit par sa fidélité.
5 Assurément le vin est traître :
cet homme présomptueux ne reste pas à sa place,
lui qui élargit sa gorge comme la Fosse,
insatiable comme la mort.
Il a entassé près de lui toutes les nations,
attiré à lui tous les peuples.
6 Mais ceux-ci, tous ensemble,
ne lanceront-ils pas contre lui des formules
d’une ironie mordante ?
On dira : MALHEUR ! Il accumule ce qui n’est pas à lui !
Jusques à quand ? Il se charge d’une dette de plus en plus lourde.
7 Ne vont-ils pas se dresser tout à coup, tes créanciers,
se réveiller, ceux qui te secoueront ?
Tu deviendras une bonne prise pour eux !
8 Comme tu as pillé des nations en nombre,
tout le reste des peuples te pillera,
à cause du sang humain, à cause de la violence faite au pays,
à la cité et à tous ses habitants.
9 MALHEUR ! Il se taille une part malhonnête pour sa maison,
afin de faire son nid tout en haut
pour esquiver la main du malheur.
10 C’est la honte de ta maison que tu as décidée :
causer la fin de peuples en nombre
est une atteinte à ta propre vie.
11 Oui, la pierre du mur criera,
et la poutre de la charpente lui répondra.
12 MALHEUR ! Il construit une ville sur le sang,
il fonde une cité sur le crime !
13 Ceci ne vient-il pas de Yahvé de l’univers :
Les peuples peinent pour du feu,
les nations s’éreintent en vain ;
14 car le pays sera rempli de la connaissance de la gloire de Yahvé,
comme les eaux comblent la mer
?
15 MALHEUR ! Il fait boire son prochain !
Tu mêles ton poison jusqu’à l’ivresse
pour qu’on jouisse du spectacle de sa nudité.
16 Tu es gorgé d’infamie et non de gloire !
À ton tour de boire et d’exhiber ton prépuce :
la coupe
de la droite de Yahvé se renverse sur toi,
et après la gloire, c’est la déconvenue !
17 Oui, la violence faite au Liban te submergera,
et les bêtes qui ravageaient seront écrasées
à cause du sang humain, à cause de la violence faite au pays,
à la cité et à tous ses habitants.
18 À quoi bon une statue, sculptée par l’artisan,
ou fondue pour enseigner la fausseté,
si l’artisan de cet ouvrage se confie en lui
pour en faire des idoles muettes
?
19 MALHEUR ! Il dit à un morceau de bois : « Lève-toi ! »
ou : « Réveille-toi ! » à une pierre silencieuse,
et annonce : « Elle va enseigner ! »
La voici plaquée d’or et d’argent,
mais aucun souffle ne l’anime.
20 En revanche, Yahvé est dans son temple saint :
Silence devant lui
terre entière !
3,1 Prière du prophète Habaquq.
Sur le mode des complaintes
2 Yahvé, j’ai entendu ce que tu as annoncé,
je suis saisi de crainte.
Yahvé, vivent tes actes au cours des années !
Au cours des années, fais-les reconnaître,
mais dans le bouleversement,
rappelle-toi d’être miséricordieux !
3 Elohim vient de Témân, le Saint du mont Parân.
Sa majesté comble le ciel,
sa louange emplit la terre
4 La lumière devient éclatante.
Deux rayons sortent de sa propre main :
c’est là le secret de sa force.
5 Devant lui marche la peste,
et la fièvre met ses pas dans les siens.
6 Il s’est arrêté, il a pris la mesure de la terre.
Il a regardé et fait sursauter les nations.
Les montagnes éternelles se sont disloquées,
les collines antiques se sont effondrées.
À lui les antiques parcours !
7 J’ai vu les tentes de Koushân réduites à néant ;
les abris du pays de Madiân sont bouleversés
8 Yahvé s’est-il enflammé contre des rivières ?
Ta colère s’adresse-t-elle aux rivières,
ta fureur à la mer,
lorsque tu montes sur tes chevaux,
sur tes chars victorieux
?
9 Ton arc est mis à nu,
les paroles des serments sont des épieux
Tu crevasses la terre par des torrents.
10 Les montagnes t’ont vu : elles tremblent.
Une trombe d’eau est passée,
l’Abîme a donné de la voix,
il a tendu ses mains vers le haut.
11 Le soleil et la lune se sont arrêtés
dans leur demeure
à la lumière de tes flèches qui partent,
à l’éclat foudroyant de ta lance.
12 Tu parcours la terre dans ton courroux,
tu foules aux pieds les nations dans ta colère.
13 Tu es sorti pour le salut de ton peuple,
pour le salut de ton messie
Tu as décapité la maison du méchant :
place nette au ras des fondations !
14 Tu as percé de leurs propres épieux
la tête de ses chefs,
alors qu’ils arrivaient en tempête
pour m’écarteler allègrement,
comme si, dans l’embuscade, ils dévoraient déjà le vaincu
15 Tu as frayé le chemin de tes chevaux dans la mer
, dans le bouillonnement des eaux puissantes.
16 J’ai entendu et je suis profondément bouleversé.
À ce bruit, mes lèvres balbutient,
je suis tout décomposé.
Je reste sur place, bouleversé.
Car je dois attendre sans bouger
le jour de la détresse,
pour monter vers le peuple qui nous assaille
17 Oui, le figuier ne fleurit pas,
les vignes ne rapportent rien,
la culture de l’olivier trompe l’attente,
les champs ne donnent rien à manger
,
le petit bétail disparaît des bergeries,
il n’y a plus de gros bétail dans les étables.
18 Moi, je serai dans l’allégresse à cause de Yahvé,
j’exulterai à cause de l'Elohim qui me sauve
19 Yahvé est mon Adonaï,
il est ma force,
il rend mes pieds comme ceux des biches
et me fait marcher sur mes hauteurs.
Du chef de chœur. Avec mes instruments à cordes.